samedi 20 décembre 2008

L'AXE DU MONDE QUI RELIE L'INDIVIDUALISATION ET L'EVOLUTION. A propos du Saint Jean Baptiste de Léonard de Vinci.

Je voudrais revenir sur ce tableau de Léonard de Vinci qui montre Jean Baptiste. Celui-ci pointe son torse et le ciel où à l'époque on situe naïvement Dieu selon notre point de vue moderne.

Toutefois son sourire et son regard, s'ils se communiquent à nous, commencent à nous découvrir un champ de conscience commun. Il n'y a pas notre conscience derrière notre visage face à son visage derrière lequel il y aurait sa conscience.

Regardons du côté de celui qui regarde :

Y a-t-il un visage visible derrière le quel il y aurait de la conscience enfermée ? Notre regard est-il enfermé derrière deux globes de chair qu'on appelle les yeux ? Certes on peut toucher ces yeux, mais notre regard n'est-il pas directement plongé dans le champ de vision ? Comme le dit Wittgenstein dans le Tractatus Logico-philosophicus :

"5.632 Le sujet n'appartient pas au monde, mais il constitue une limite du monde.

5.633 - Où dans le monde remarquerait-on un sujet métaphysique ?
Vous dites que le rapport est ici tout semblable à celui de l'œil et du champ de vision. Mais vous ne voyez réellement pas l'œil.
Et rien dans le champ de vision ne permet de conclure qu'il est vu par un œil."

Si on admet que notre champ de conscience n'est pas enfermé en nous mais qu'il se prolonge à tout notre environnement et qu'il communique avec celui d'autrui, imitons le Jean Baptiste de Léonard de Vinci et voyons ce qu'il a à nous apprendre de notre champ de conscience.

Il devient évident que Jean le Jean-Baptiste de Léonard de Vinci nous pointe le bas du champ de conscience visuel et son sommet.

Léonard de Vinci a-t-il pu suggéré cela inconsciemment ou cela était-il assez conscient pour lui ? Voici quelques citations de lui sur ce sujet :




Creusons donc la réalité de cet œil qui comprend au-delà de notre regard personnel, le champ du visible au sujet de ce que Wittgenstein suggère comme le bord du monde : 


Le sujet que nous sommes se tient à l'évidence au bord du monde. Et on peut situer ce bord du monde au sujet du champ visuel comme ci-dessus. 

Rien ne nous permet de prétendre qu'il y a deux champs de conscience quand nous sommes face à autrui mais ce bord du monde en bas unit ce champ de conscience à un corps, à une orientation sur le monde.

Le doigt sur le torse vise donc ce qui dans la conscience l'individualise, la met en perspective, en point de vue insubstituable et personnel.

La tradition verrait là le cœur, le lieu où le plus universel, la conscience s'entrecroise avec le plus singulier, la personne.

Nous reste à comprendre le pointer du doigt vers le haut. Est-ce que ce doigt pointe Dieu qui habite dans le ciel au-dessus du cosmos ?

Si je mets une casquette, je constate que ce doigt vers le haut pointe cet endroit où le revers de la casquette disparaît dans le champ de conscience invisible, non manifesté.


Si je mets une casquette et qu'au lieu de regarder en bas je regarde le ciel, j'ai alors une drôle de révélation lorsque je pointe vers le haut : les plus hautes hauteurs que je pourrais voir sont sous ma casquette. Comme le dit un maître zen, "lorsque je mets mon chapeau, je coiffe l'univers."

Remettons-nous en face du Jean-Baptiste de Léonard de Vinci avec notre casquette :


Le plus haut coïncide étrangement alors avec ce qui est au-dessus de notre tête. La main qui pointe vers le haut se tient nettement au dessus de ce que nous nous représentons comme notre crâne : la sensation interne de la main se situe plus haut que celle du crâne. Mais notre sensation de crâne, où se tient-elle ? Ne se prolonge-t-elle pas au-dessus de tout l'espace visible et donc au-dessus de la main visible ? Il y a là vers le haut un vertige de la représentation mentale si nous prenons au sérieux l'intériorité de notre conscience et que nous ne l'enfermons plus dans un corps lui-même situé dans une pièce face à un tableau...

Mettons-nous à plusieurs et pointons le très haut de la conscience. Le très haut visible est encore marqué par un point de vue individuel :

Dans cette pièce, la vision de ce qui est en haut du point de vue visible est celle du plafonnier qui l'éclaire. Chacun le voit de son point de vue. Mais songeons à cet au-dessus du crâne invisible : tout le monde ne vise-t-il pas alors ce même point ? N'y a-t-il pas alors dans la conscience une dimension universelle qui transcende notre individualisation ?
Si par analogie nous imaginons la bulle de conscience qui se déploie du point de vue de l'autre, ne retrouvons-nous pas un même Très-Haut de la conscience.

Si je ferme les yeux et que je place ma tête dans toutes les directions, dans mes oreilles il y a même l'indication de cet axe en bas duquel je m'individualise et en haut duquel je m'universalise. Cet axe unit la terre et ce très-bas que je suis plongé vers le temps avec le ciel et ce très haut que je découvre Être éternel, immobile et moteur du monde.

Dans l'antiquité, n'avait-on pas une telle conception ? Le stoïcien qui affirme être une âme individualisée du tout, du corps intelligent de l'univers entouré d'un vide, n'a-t-il pas une telle vision ?



Et le corps subtil que le yoga nous découvre comme faisant le lien entre la terre et le ciel au sein de l'individu ne s'éclaire-t-il pas un mieux dès lors ?



Traduisons ce schéma traditionnel dans notre vision interne :


Cet axe qui unit la terre et le ciel se déploie alors dans le corps et aussi dans la transparence de l'espace de conscience. Ce champ de conscience pointe un supraconscient au-dessus de notre tête et aussi un subconscient au tréfonds de notre corps.

Le supraconscient est immédiatement Un mais il demeure en grande partie inconscient puisque s'il l'était pleinement ne commencerions-nous pas à pénétrer intimement les autres processus d'individualisations autour de nous ? Découvrant cette vision intérieure, nous pouvons dès maintenant y accueillir pleinement les autres et les servir dans leur processus d'incarnation du ciel sur la terre. Mais le chemin spirituel sera long avant de vraiment nous axer sur le processus d'individualisation universel, l'UN-dividualisation. Et bien sûr cet UN se tient certainement au cœur de la matière et de son évolution : le subconscient est un vaste continent qui nous reste à explorer en tant qu'UN-dividualistion consciente de soi partiellement.

L'éveil à l'évolution consciente de la consciente nous semble immédiat à condition de bien vouloir regarder ce qui est le plus près de nous au Très-Haut et au Très-Bas de l'espace de conscience visible. Mais le maintenir, afin qu'il se concentre de plus en plus en unissant de façon de plus en plus consciente au cœur du dedans ce qui était jusque là supraconscient et subconscient, est un projet d'une autre stature. La vie certainement y conduit infailliblement mais de manière inconsciente pour la plupart et au prix de souffrances incompréhensibles.

dimanche 14 décembre 2008

VERTIGE DU SAUT EVOLUTIF. MESSAGE AU MOUVEMENT INTEGRAL.

LE SAUT EVOLUTIF RADICAL DU YOGA INTEGRAL FACE AU MOUVEMENT INTEGRAL


Dans le mouvement intégral version Ken Wilber, Steve Macintosh, Andrew Cohen, Erwin Laszlo et leaders frenchies, il y a quelque chose qui reste étranger au yoga intégral. Il y a dans le yoga intégral proposé par Sri Aurobindo, Mère et Satprem un saut vertigineux : il faut accepter qu'il n'y aura pas de solution mentale à la crise évolutive.

Il est indéniable que des solutions mentales, qu'on évoque çà et là, soient des pansements nécessaires mais ce sont au mieux des petites adaptions et variations évolutives surmentales préparatoires au vrai saut évolutif en cours.

Mes mots, mes essais de philosophie sur internet d'ailleurs ne font partie que de cette phase préparatoire au vrai saut évolutif.

Bien sûr les efforts du mouvement intégral ou de ceux qui mènent un yoga intégral permettront certainement d'amoindrir le choc, ils prédisposeront à une évolution consciente de la conscience mais ils ne seront jamais au coeur de l'évolution consciente de la conscience.


Si le diagnostic exprimé dans la pensée par ceux qui ont mené un yoga intégral est bon, alors l'objet du saut évolutif en cours est le dépassement de la conscience mentale et surmentale qui dans le monde manifesté avaient été jusqu'à présent au coeur de l'évolution depuis le jurassique et la fin des dinosaures.

La clé ne se situerait plus désormais au niveau mental et donc dans une conscience intégrale où des expériences spirituelles de conscience surmentale ou non-mentale éclairent et s'éclairent dans un contexte culturel d'interprétations mentales. Si l'on y réfléchit bien, le mouvement intégral ainsi compris s'interdirait la possibilité d'envisager une conscience transcendant complétement la conscience mentale et ses expansions surmentales malgré ses affirmations contraires. Ken Wilber soutenu entre autre par Andrew Cohen lie expérience de la conscience et interprétation de cette expérience. Il rend indissociable ces deux composantes. Or c'est rendre l'évolution de la conscience limitée au stade mental. Le sens des fonctionnements d'une conscience supérieure change la nature et les sens des fonctionnements inférieurs qui la sous-tendent, nous dit cette pensée intégrale. Mais pourquoi le saut évolutif ne serait-il pas inscrit au plus profond de la matière subconsciente ? N'est-ce pas plutôt de ce côté que s'est joué l'évolution de l'univers ?

Le mouvement intégral s'il veut faire face à la crise évolutive en cours ne doit pas se contenter de penser qu'une évolution culturelle est en jeu. Une évolution culturelle peut rester prisonnière du cercle mental et des limites biologiques de notre espèce que la crise évolutive en cours pointe.

Le yoga intégral de Sri Aurobindo nous met au défi d'aller éclairer le subconscient, de le rendre conscient en se livrant corps et âme au Supraconscient. Il ne s'agit pas de s'arrêter au reflet subconscient de notre ego comme le font encore les psychologies contemporaines pour la plupart, au lieu de simplement considérer notre ombre personnelle, il s'agit de faire face au subconscient universel inscrit dans nos cellules, dans notre manière d'être incarné dans la matière à travers les niveaux mental, vital et sensorimoteur de la conscience.

Le mouvement intégral envisage bien un supraconscient mais s'il suit seulement l'horizon de Wilber, il n'envisage guère que celui-ci puisse modifier le fonctionnement même de notre subconscient matériel. L'évolution consciente de la conscience ne consiste pas seulement à se tenir à distance de l'ignorance matérielle en trouvant une harmonie collective humaine supraconsciente. Cette harmonie est-elle possible si des possibilités évolutives sont jugées inintéressantes ou déplacées? Une évolution consciente de la consciente atteindra une conscience cosmique intégrale quand la matière sera vécue en tant que conscience divine.
Le yogi intégral analysant son expérience à l'aide de Sri Aurobindo et Mère sait combien la spiritualisation de sa fragile expérience psychique est difficile car il a un sens rigoureux de ce qu'on peut appeler une conscience cosmique. Il reconnaît être extrêmement loin derrière ses prédécesseurs au lieu de se proclamer devant sans vouloir comprendre au moins la possibilité évolutive qu'ils disent expérimenter.


CRITIQUE DE LA CONCEPTION INTEGRALISTE DE L'EVOLUTION HUMAINE.



Il y a là un vertige que les spirales et les quadrants des wilberiens manquent car ils donnent ce qui précède comme devant être inclu par ce qui transcende et parce qu'ils considèrent qu'une expérience spirituelle est l'envers d'une vie organique, d'une réalité matérielle. Le quadrant met d'un côté la conscience et de l'autre la matière or Sri Aurobindo et Mère témoignent d'un amincissement de ce parallélisme dans leur expérience. Ils envisagent une connaissance par identité de la matière. Toute la conscience qui forme la réalité de la matière pourrait être connue par identité au sens où cette conscience de la matière jusqu'à présent cachée ou épisodique deviendrait aussi claire qu'une pensée pour un méditant aguerri capable de maîtriser.

Une authentique évolution consciente de la conscience peut-elle se permettre d'intégrer de l'inconscient et de l'ignorance ? Si nous suivons le raisonnement de Ken Wilber qui pense que les structures matérielles permettant en leur intérieur plus de conscience intègre les structures matérielles moins développé, la réponse serait éventuellement positive. A vrai dire, tout progrès évolutif dans le domaine mental a toujours entraîné l'ignorance d'une ignorance qui repérée a toujours contraint le mental à progresser. Mais ce progrès ne révèle-t-il pas au final un cercle ? Nos capacités d'expression et de communication des vérités non mentales ont progressé par la diversification des types d'organisation mentale mais est-ce là une évolution ? Ces progrès ne sont-ils pas juste une exploration du plan mental, un élargissement de son usage jusqu'à sa limite ?

La lecture de Savitri de Sri Aurobindo si l'on veut considérer le yoga intégral en dehors des limites spirituelles de l'interprétation Wilbérienne semble aussi enrichissante spirituellement sinon plus que la lecture de La vie divine. Le langage symbolique de la poèsie traduit aussi bien sinon mieux l'exploration spirituelle que le langage rationnel et analytique philosophique. Dans le mouvement intégral qui suit l'approche de Wilber, malheureusement, on vous suggérera souvent le contraire : la philosophie est plus profonde que la poèsie puisque la conscience rationnelle est plus évoluée que la conscience symbolique animiste ou préhistorique. Dans cette conception évolutive, la conscience mythologique serait un intermédiaire entre conscience symbolique et conscience rationnelle. Selon le yoga intégral et une certaine représentation historique de la période axiale où les présocratiques, Bouddha, Shankara, Lao Tseu ou Tchouang Tseu furent des penseurs caractéristiques, la conscience rationnelle a germé face à une crise de la conscience symbolique la plus élevée trahie à l'évidence par la conscience mythologique sensée l'expliciter aux moins évolués socialement. Mais rapidement la conscience rationnelle au lieu d'être la servante de la conscience mentale symbolique la plus raffinée en est devenue l'adversaire. La rationalité moderne s'est prévalue de son univocité contre l'ambiguïté symbolique irrationnelle. La rationalité postmoderne a redonné ses lettres de noblesse à la conscience mentale mythologique et symbolique contre la rationalité moderne mais en s'interdisant de hiérarchiser les niveaux de conscience dont émanent ces diverses manières d'exprimer la conscience mentale. Le Wilbérien estime que ce  point de vue est inhérent au relativisme postmoderne. Un intégraliste sensible au point de vue de Sri Aurobindo défendra le point de vue postmoderne en le clarifiant par l'idée qu'il y a eu exploration du cercle mental et non pas saut évolutif sur un plan de conscience réellement surplombant.
Selon nous, certains discours à dominantes rationnelles sont moins profonds que certains discours mythologiques : tel passage de La Bible a tout de même plus de portée que De l'inégalité des races humaines de Gobineau que les connaissances de l'époque en matière d'évolution ne pouvaient pas faire passer pour irrationnel. Le défenseur de la spirale Wilbérienne a beau évoquer des dégénérescences, il n'explique pas pourquoi la rationalité a pu promouvoir une vision eugéniste qui a abouti à l'une des pires catastrophes sociales et politiques du XXème siècle : génocide mais aussi campagne de stérilisation dans des pays comme les USA, la Norvège, la Suisse, le Danemark, la Suède, etc. Certes il y avait bien chez Gobineau une nostalgie d'un temps passé, d'un ordre des castes comme en Inde empêchant les mélanges des races mais cette nostalgie se  présentait là aussi avec une parure rationnelle d'une histoire objective.


Le véritable enjeu à travers les âges est pour la conscience et donc le divin de trouver une expression satisfaisante dans notre univers. Ce propos semble concilier les diverses tendances du mouvement intégral.
Mais on peut voir l'évolution de la conscience dans une direction autre que celle de Wilber.
Il convient de constater que les expressions mentales furent plus ou moins adaptées en vue de résoudre des problématiques humaines de plus en plus subconscientes et de moins en moins axées vers des refuges supraconscients qui proposaient d'y échapper. On reconnaît encore ici un point d'accord avec Wilber ou Andrew Cohen.
La pensée symbolique est attachée à une langue donnée et elle peut difficilement résoudre les problèmes que posent les rencontres interculturelles. La raison est beaucoup plus universelle et en cela facilite la résolution de problème interculturels par exemple. Là encore ce point de vue qui se déduit des considérations de Sri Aurobindo autour de l'idéal de l'unité humaine ne semble pas contrevenir à celui de Wilber.

Mais considérons un autre point de vue. L'égo disposant de la seule pensée symbolique face à la nature reconnaissait immédiatement une dimension spirituelle car c'était l'inspiration d'en haut d'où lui venait les idées des moyens techniques, des principes d'organisations sociales, etc. Le besoin de connaître n'avait pas encore séparé une science de la validité objective et une sagesse de qualité subjective. Une pensée rationnelle avec ses techniques ne nous donnait pas l'impression d'un seul plan de conscience.

Jusqu'où cette lumière inhérente à la pensée symbolique se questionnant a-telle pu aller ? Les connaissances chamaniques des plantes sont aujourd'hui reconnues.
Le virage néolithique a été aussi un virage spirituel : peut-on affirmer la prééminence d'une avancée spirituelle sur l'avancée technologique ou réciproquement ? Des éléments archéologiques semblent accréditer une transformation spirituelle précédant l'avancée technologique produisant la révolution néolithique. Ensuite le passage de l'horticulture à notre agriculture a mis en place une organisation hiérarchique. Qui sait si localement cette hiérarchie n'a pas été pleinement une holarchie spirituelle ouverte ? C'est la thèse de Sri Aurobindo le découvreur du yoga intégral à propos de la civilisation des Védas. Chacun aurait eu une égale dignité spirituelle même si il n'avait pas le même type de fonction. A vrai dire il n'y pas de sommet de la pyramide sans une base large et solide. Si l'on valorise la base de la pyramide on peut utiliser le symbole de l'étoile à 6 branches :


Ici nous avons donc deux points de désaccords fondamentaux avec le mouvement intégral gravitant autour de Wilber :
- l'organisation holarchique n'est pas la suite logique de l'organisation démocratique mais celle qui précède la dégénérescence hiérarchique;
- il n'y a pas forcément une ascension évolutive, on peut considérer une ascension atteignant une apogée suivie du début de la crise de la conscience mentale dans laquelle nous serions au plus fort malgré des réponses spirituelles qui se sont fait jour à chaque nouvelle dégradation.

L'holarchie quand elle devient traditionnelle se transforme en système de castes hiérarchiques. Le conservatisme lié à une sagesse mentale risque de se fermer à l'intuition.

La descente du spirituel ne se retrouve-t-elle pas alors dans la force de la pensée intuitive de nos présocratiques, de nos socratiques, de nos Upanishad, du Bouddhisme, des Tchouang Tseu et Lao Tseu ou même des derniers grands inspirateurs du monothéisme face à la montée de ce qu'ils estiment l'âge de fer, les derniers temps ? On va rationaliser et techniciser les chemins pour obtenir une expérience intuitive.

L'égo épris de forces vitales trouvait intolérable des spiritualités rejetant ces forces. Il n'avait plus face à lui le mouvement même d'apport spirituel antérieur au néolithique puisque les techniques essentielles étaient inventées, il pouvait plutôt ressentir la pensée dominante comme un conservatisme lui interdisant d'exprimer sa force vitale. Il est parti à la conquête de Royaume et d'Empire : il a développé une intelligence de l'assimilation religieuse et au pire de sa logique de domination l'intolérance religieuse. Les grands mythes tels ceux de la culture gréco-romaine ou ceux de la Bible agrègaient des pensées symboliques de diverses provenances. Un certain héroïsme avait été nécessaire mais ici l'héroïsme est purement vital et non plus surmental. Quand le héros féodal se spiritualise il est un dévôt, un amoureux fanatique de Dieu. Il s'agit dès lors moins d'échapper à ce monde par l'intuition surmentale que de bien apercevoir une intuition spirituelle au niveau vital.

Les admirateurs des penseurs de l'âge axial en Occident vont reprendre le dessus sur les guerriers féodaux à l'aide de la raison. Le travailleur rationnel sera plus puissant vitalement que le guerrier. L'industrie fait les victoires militaires. En notre siècle, la concurrence économique remplace de plus en plus les soubresauts terribles de la vitalité guerrière. Le moderne rejette le fanatisme vital mais sa pulsion individuelle et collective d'appropriation crée des conflits plus terribles où tous les membres de la société sont jetés.

Le postmoderne des années 60 va relativiser le travail et toute forme de sacrifice de soi au profit de la jouissance.

Mais en lui le désir de consommer l'emporte. Il va vouloir gagner sa vie financièrement, son travail qu'il met au service de l'avoir, de la consommation le rend complice cynique du moderne. Le postmoderne ayant soumis la famille à la jouissance sexuelle rejette la morale familiale prémoderne et moderne. Au final le jouisseur postmoderne aura poussé le déséquilibre jusqu'au plan le plus matériel.
Le chaos n'est pas seulement social et mental, le combat pour beaucoup ces dernières années s'est situé sur le plan psychologique personnel, transpersonnel et maintenant intégral mais bientôt il va se situer et se situera au niveau du corps lui-même. Le yoga intégral de Sri Aurobindo dont l'expression la plus complète se trouve dans Savitri et que l'Agenda de Mère prolonge trouveront alors toute leur pertinence.

lundi 13 octobre 2008

SIGNES D'UNE CONSCIENCE SUPREME CREATRICE.


L’intérieur du Big Bang.
Les scientifiques en astrophysique estiment en majorité que toute l'énergie-espace-temps provient d'un seul point qui s'est comme dilaté. Deux preuves majeures outre l'astronome Hubble a observé que les galaxies s'éloignaient les unes des autres. On a relevé une température fossile au sein de tout l'espace intersidéral qui témoigne d'un univers uniformément chaud dans le passé.
Le Big Bang d'après les scientifiques ne doit pas être considéré du point de vue d'une conscience humaine qui conçoit une explosion se produisant au milieu de l'espace-temps. En effet car c'est l'espace-temps lui-même qui apparaît au sein du Big Bang. La plupart des représentations artistiques sont donc fausses puisqu'elle le montre comme une explosion au sein d'un espace vide.

Dans cette représentation en première personne, l'observateur perçoit le Big Bang là-bas dont est issu sa propre perception de l'espace temps. La position intérieure aux effets du Big Bang est donc mieux soulignée.
Peut-on aller plus loin et dire comme Andrew Cohen :
"Si nous considérons le Big Bang de l’extérieur, nous voyons une explosion d’énergie qui est devenue matière, qui à son tour a donné naissance à la vie, d’où a émergé la faculté de conscience. Mais si nous regardons le Big Bang d’un point de vue intérieur, nous y trouvons une intention, une intention de devenir. Le Big Bang ne peut pas avoir été purement arbitraire ou accidentel. Il y a là du telos, une intentionnalité qui lui est inhérente, une tension, un mouvement vers, que nous pouvons découvrir de fait en contemplant notre propre expérience. Croyez-vous que le fait que nous puissions avoir une conversation comme celle-ci soit un accident complet ? Cela peut-il être un résultat purement arbitraire d’un événement sans cause ? Pour ma part, je ne le pense pas. Et la raison pour laquelle on peut l’affirmer se trouve dans l’expérience de la conscience elle-même, qui est le fondement d’où a émergé tout ce processus. Comment se fait-il que lorsque nous nous éveillons à la conscience nous nous sentions délivré de la confusion existentielle ? C’est parce que notre doute existentiel, notre peur que tout cela soit un exercice vain et dépourvu de sens disparaissent dans la découverte du lieu ultime d’où provient l’ensemble du processus. Les personnes qui s’éveillent profondément à la conscience découvrent en même temps la conviction absolue d’un sens et d’une raison d’être. C’est comme si on commençait à s’éveiller à l’intelligence et impulsion qui génère le processus entier. On est en contact avec cela à travers notre propre prise de conscience. Au niveau de l’intuition, on commence à percevoir un esprit à l’œuvre, une intention qui n’est pas personnelle et qui n’est pas un individu. Et c’est cela qui nous inspire une profonde confiance dans le fait que tout cet événement est porteur de sens."
Cette citation de Andrew Cohen pose très clairement le débat sur une dimension absolue de nos consciences qui serait éternelle et qui ferait être le devenir lui-même. Cette Conscience divine dont nous serions l'expression serait en outre transpersonnelle dans la mesure où ce serait une intention impersonnelle et non individuelle.

Le Big Bang surgirait donc de la vacuité impersonnelle et donc non individuelle de la conscience formant par la suite une conscience en première personne (une âme) dotée d'une individualité par le biais de son corps. Ce processus du Big Bang se poursuivrait au coeur de la première personne comme une intention impersonnelle qu'elle peut prolonger lorsqu'elle revient à elle-même malgré et grâce à sa personnalité.

Cependant peut-on assimiler tel quel ce qui relève d'un processus d'intuition créatrice surgissant dans le champ de la conscience en première personne et un processus proprement matériel ?
On pourrait pour justifier cette identification et la préciser qu'il ne s'agit pas d'identifier le Big Bang et l'intuition crétrice mais le Telos qui produisit le Big Bang et celui qui produit aujourd'hui l'intuition créatrice au sein d'une conscience en première personne. Le schéma précédent inspiré de Ken Wilber montre qu'on ne doit pas considérer seulement notre conscience comme une première personne, comme un "JE SUIS". Le point de vue subjectif individuel n'existe pas en dehors d'un "NOUS SOMMES", d'un point de vue subjectif collectif. Ce point de vue intérieur car subjectif correspond aussi à un point de vue extérieur que la science matérialiste a peu à peu exploré. Ainsi l'expansion de l'énergie-espace-temps qui est une complexification objectives des individualités et des collectifs en son fond a la même origine que l'évolution des points de vue subjectifs individuels et collectifs. C'est un même Télos qui anime toute l'évolution et qui se retrouve à chaque niveau. L'expansion de l'espace-temps-énergie n'est pas en tant que tel ce Télos puisque c'est depuis qu'elle s'est produite une loi de l'univers. Le Télos est plutôt ce qui à chaque instant du processu évolutif fait surgir l'inédit et l'imprévisible du point de vue des lois établies de l'univers. Ce Télos du point de vue extérieur objectif et individuel est le jeu du hasard et de la nécessité orienté vers une auto-organisation et la complexification. Du point de vue extérieur objectif collectif, cela se traduit comme une émergence de nouvelles lois gérant ces nouvelles individualités. Mais il faut voir à quoi ceci correspond du point de vue intérieur subjectif : une évolution de plus en plus consciente de la conscience individuelle et collective.


Critique de ce point de vue intérieur sur le Big Bang du point de vue de la question persistante du mal et de l'ignorance.


Tout ceci pourrait être convaincant et nous pourrions nous présenter comme "moi, 15 milliards d'années"...
Mais tout ce discours a d'évidentes faiblesses spirituelles. Il ne faut surtout pas confondre une expérience directe de la conscience qui implique des possibilités d'action assez précises et des connaissances indirectes et partielles qui impliquent des capacités d'actions plus qu'imprécises. D'ailleurs c'est le caractère indirect et donc partiel de cette connaissance qui entraînent des possibilités d'interprétations antinomiques : on peut s'appuyer sur elles pour défendre des positions athées aussi bien que diverses positions spiritualistes.

Une pensée ou une émotion peuvent être modifiées dans notre conscience individuelle et collective. Des intuitions peuvent éclairer jusqu'à une partie de notre conscience sensori-motrice individuelle et des processus de guérison peuvent être ainsi transmis de l'un à l'autre.

Cependant notre action sur l'infiniment petit, sur les cellules, les molécules, les atomes, les particules ne peut pas être directe qu'elle passe par la voie objective ou par la voie subjective. De même notre action sur l'infiniment grand est très limitée : notre puissance thermonucléaire ne permettrait pas d'éloigner la menace d'un météorite trop grand. Notre action sur notre biosphère est encore très peu consciente et nos connaissances en ce qui la concerne ne permettent guère d'envisager de la reconstituer technologiquement.

Hans Jonas évoque malgré tout lui aussi un Télos. Il parle en effet d'un Eros, une réalité pré-subjective au coeur de la matière car face aux objections matérialistes athées, il est prêt à reconnaître que la conscience est bien rare et fragile dans notre univers pour envisager comme les religions monothéistes n'hésitaient pas à le faire un Dieu créateur omniscient et omnipotent. Mais selon lui il faut bien que la conscience qui est une intériorité subjective ait un prolongement au sein de ce qui paraît une chose du point de vue extérieur et objectif. Pour un lecteur de Hans Jonas, affirmer que j'ai quinze milliard d'années est en un sens un signe d'orgueil de la conscience mentale humaine spiritualisée. Une telle conscience pense que parce qu'elle a surmonté certains aspects de sa personnalité pour s'apercevoir en première personne sur fond de vacuité, elle peut interpréter le courant de forces descendantes comme le Télos, le processus même qui fût à la source du Big Bang. Pour Hans Jonas, ce Télos qui se présente comme un Eros, une réalité pré-subjective et non pleinement subjective au coeur de la matière, serait avant tout un mouvement d'humilité du divin, qui s'abaisse à une aventure de la conscience depuis une quasi absence de conscience.

Dans Le concept de Dieu après Auschwitz, Hans Jonas écrit en ce sens :

« Au commencement, par un choix insondable, le fond divin de l’Être décida de se livrer au hasard, au risque, à la diversité infinie du devenir. Et cela entièrement : la divinité, engagée dans l’aventure de l’espace et du temps, ne voulut rien retenir de soi ; il ne subsiste d’elle aucune partie préservée, immunisée, en état de diriger, de corriger, finalement de garantir depuis l’au-delà l’oblique formation de son destin au sein de la création. L’esprit moderne repose sur cette immanence absolue. »

A vrai dire le mythe de Hans Jonas a de fortes résonances chrétiennes. Le concept théologique de kénose met en effet en avant l’idée que Dieu en Jésus-Christ s’est fait homme et que dans cette incarnation il n’a rien retenu, comme le dit Saint-Paul, du rang qui l’égalait à Dieu. La question du mal taraude précisément une foi qui accorde à la personne humaine une importance centrale. Comment Dieu qui se serait fait homme et qui aurait vaincu la mort et dont le message a affirmé que la vocation de l’homme était l’amour du prochain identique à l’amour même de Dieu peut-il laisser tant d’innocents tués ainsi ? Le chrétien est invité à sonder le mystère même de la mort de celui qu’elle tient pour Dieu fait homme : dans sa sagesse infinie et son amour du prochain il n’a connu aucun secours lorsqu’il a été condamné à la crucifixion. Le christianisme des Evangiles ne donne aucune réponse de l’ordre de la connaissance intellectuelle au mal même si ses penseurs depuis Origène ont régulièrement tenté de le faire. Seul l’amour, l’agapè qui se donne à l’autre et qui pour nous reste un mystère est présenté comme ce qui brisera le mal qui en soi reste mystérieux. La réponse peut paraître simpliste et imparable tant elle est bardée de mystères. Mais si quelqu’un connaissait vraiment la cause du mal il pourrait le vaincre. Et si l’amour est la réponse au mal quelqu’un qui connaîtrait vraiment ce qu’est l’amour saurait vraiment ce qu’est le mal et pourrait le vaincre. Qu’on soit chrétien ou non n’est pas ici la question, la question est : accordons-nous une valeur infinie aux personnes ? Si nous accordons une telle valeur à la personne humaine, alors la question qui doit être fondamentale est comment pouvons-nous la libérer absolument du mal ? La question du sens de l’idée de liberté absolue devient donc alors la question de savoir si nous pouvons nous libérer absolument du mal. Le chrétien s’il affirme que son Dieu vaincra le mal par l’amour en transmettant le témoignage d’une victoire sur la mort de jésus-Christ nous dit d’adhérer à son espoir mais il nous dit moins souvent comment comprendre et développer ce qu’il pointe comme le mystère de l’amour. En général cela ressemble à une imprécation ou une exhortation mais rien de plus transparaît sinon parfois le dogmatisme et le sectarisme religieux qui affirme sa vérité exclusive et supérieure à toutes les autres. Trop souvent l’affirmation de la divinité de Jésus-Christ sert à dédouaner celui qui s’affirme chrétien de suivre Jésus-Christ qui pourtant cite les psaumes de David pour dire de chacun : « vous êtes les fils de Dieu » lorsqu’on l’accuse de manquer d’humilité en s’affirmant comme Fils de Dieu.
Hans Jonas évoque l’humilité de Dieu pour expliquer le mal mais il ne répond pas à la question de savoir quel est le lien entre l’humilité divine et la proposition de divinisation qu’il nous fait et qui semble attachée à la pratique de l’amour. Faut-il voir là une religiosité illusoire ? Ou alors n’y a-t-il pas là encore en dehors des catégories religieuses un savoir possible qui ne peut se réduire aux limites d’une croyance tenace mais sans fondement sur une expérience spirituelle authentique ?

Vers une approche plus consciente du processus évolutif et de notre finitude.
Imaginons une liberté absolue qui contrairement au scénario de Hans Jonas ne perdrait pas son pouvoir non pas en tant que toute-puissance affichée mais en tant que horizon où tout demeure possible. Autrement dit elle ne perdrait pas son pouvoir divin au cœur de la finitude grâce à un pouvoir de divinisation.
Pour une telle liberté absolue, tout serait donc toujours possible. Contrairement à ce qu'en dit Andrew Cohen dans cette citation où il juge l'impulsion créatrice seulement impersonnelle et à Jonas qui l'estime seulement personnelle, elle serait capable de ces deux dimensions d'une même réalité qu'elle est. Elle pourrait en outre réaliser une multiplicité infinie d’état d’être sans perdre l’unité qui serait à son principe. Elle pourrait réaliser cet univers et tout ce qui existe sans perdre de vue la conscience de sa propre unité. Autrement dit, elle pourrait s’incarner sous la forme d’un être humain marqué par la finitude sans se perdre elle-même dans son pouvoir de divinisation.
A travers deux êtres humains, la relation qu’ils forment, cette liberté absolue s’exprime toujours dans son unité que ces êtres humains se fassent du bien ou du mal de leurs propres points de vue finis. Mais pour cette liberté absolue, retrouver son pouvoir de divinisation implique que l’un au moins embrasse l’unité au point où il se sent l’unique unité aussi présente au cœur de l’autre. L’amour semble donc de ce point de vue le seul horizon possible de divinisation pour une liberté absolue qui s’est incarnée complètement dans un être humain marqué par la finitude.
L’univers est alors un jeu possible de la liberté avec elle-même qui s’auto-limite dans des formes multiples.
Dans le cas de l’homme, cette Unicité de liberté absolue peut s’entrapercevoir d’abord seulement comme « Idée », idée intellectuelle mais aussi idée directrice, idéal et aspiration du cœur... Elle commence alors à devenir consciente d’elle-même de son absoluité infinie à travers une de ses expressions finies. L’amour compris comme retrouvailles dans l’âme de l’unité primordiale dont elle émane signifie aussi retrouvailles de cette même unité qui aspire à elle-même enfouie au fond de chaque cœur, au fond de chaque âme qui tente d’y croître dans la lumière de l’étincelle primordiale d’unité où elle prend source.
Cette Unicité en l’homme s’aperçoit en premier lieu comme un idéal, une aspiration, une foi d’une forme finie à une divinisation par l’amour.
Comment cet Un pourrait-il être liberté infinie première et Unique devenir multiple sinon à travers une individualisation multiple de lui-même capable de se retrouver dans le mouvement d’amour de la conscience de lui-même ?
L’évolution de l’univers serait alors non seulement un jeu de la liberté absolue avec elle-même se masquant dans des êtres limités voire déterminés mais aussi le simple devenir multiple de la liberté absolue qui en son essence est une et se recherche du sein de sa propre démultiplication. La liberté absolue serait en train de se démultiplier elle-même à travers de multiples individualités sans même renoncer à son absoluité elle-même. L’Un absolument libre se démultiplierait sans perdre son absolue liberté dans son Multiple.
La multiplicité serait l’expression d’infinies possibilités à ceci prêt que cette expression imprévisible ressemblerait à du hasard aveugle du point de vue d’un être fini qui ignorerait sa propre nature. D’autre part, en tant qu’unicité absolue, il y a une forme de nécessité de l’Être. L’inexistence absolue est certes une possibilité de l’Être d’une liberté absolue mais à travers l’une de ses formes de conscience individualisée. L’Être de la liberté absolue ne peut pas s’annihiler en tant que tel.
Par le jeu de l’Un et du Multiple on comprend le mouvement du hasard et de la nécessité du point de vue fini qui est le nôtre. On évoque parfois l’image d’un fleuve chaotique formant par hasard la nécessité de son propre écoulement en creusant son lit. Mais pourquoi le fleuve chaotique des possibilités ne détruit-il pas au final ses berges et ne dissipe-t-il pas soudain ses nécessités ? Pourquoi la mer chaotique de la réalité primitive contenant toutes les possibilités, cette liberté absolue impersonnelle s’est-elle muée en un fleuve du hasard et de la nécessité dont l’évolution a produit des êtres personnels conscients ?
En fait l’Un ne peut se nier dans sa Multiplicité, il est à lui-même sa propre nécessité qui coordonne et harmonise ses contingences qui pour nous sont d’abord des hasards. Car ce qui se démultiplie se démultiplie dans l’Un lui-même, dans l’Être de l’Un lui-même et ce qui se démultiplie dans la démultiplication s’érige en écho harmonieux de cette Unité principielle. Le Multiple ne forme pas un pur chaos car il est toujours en train de s’organiser harmonieusement en unités reflets collectifs de l’Un.
La nécessité principielle est l’intériorité de L’Un, l’intériorité de l’absolue liberté qui jouit de ce qu’elle est au sein d’elle-même, disposant certains de ses possibles dans le développement virtuel qu’offre ce que nous appelons un univers. Le hasard premier ou plutôt la contingence principielle est la capacité de l’Un de se démultiplier au sein de lui-même. Cependant en s’incarnant sous la forme humaine, en s’apercevant potentiellement en l’homme sous la forme d’un idéal, l’Un s’est réalisé potentiellement comme finalité évolutive par excellence. Il appartient à l’Un en l’homme, à ce mouvement d’individualisation en lui d’entrer dans une évolution consciente de la conscience de l’Un. Cet idéal de l’Un en l’homme, c’est-à-dire cette entrée dans un mouvement d’individualisation consciente de la conscience de l’Un est proprement un chemin de divinisation et donc d’acquisition de la liberté absolue dont l’essence est l’amour.
Plutôt que de parler de nous en tant que conscience de l'intention ou du Télos qui suscita le Big Bang, ce qui nous semble fort prétentieux du point de vue de notre ignorance mentale et de la réalité du mal, la spéculation précèdente nous invite à considérer spirituellement en premier lieu en quoi nous sommes, en notre authenticité individuelle la plus pure, le Suprême conscient de lui-même partiellement.
Cette spéculation mentale permet de poser des questions aux point de vue matérialistes athées mais elle explique ausi pourquoi le point de vue du hasard et de lanécessité est indépassable pour une créature finie ignorante de sa liberté absolue intérieure. Cette spéculation ne prouve donc rien mais elle suggère et elle exhorte à apprendre à aimer authentiquement, à chercher en soi-même ce qui rapprocherait de ce point d'être qui serait le Suprême conscient de lui-même partiellement afin d'entrer dans une évolution consciente de la conscience plus authentique. Elle explique en quoi la conscience mentale ne permet pas authentiquement une évolution consciente de la conscience contrairement à ce que laissent penser Andrew Cohen, Ken Wilber et leurs suiveurs. Du point de vue de la conscience mentale il ne peut y avoir qu'une opposition entre interprétations matérialistes athées et matérialistes spiritualistes. La conscience mentale est définitivement limitée : seule une foi authentique, qui serait un moyen spirituel, parmi d'autres , de nous rapprocher d'un sens psychique de de point d'être du Suprême conscient de lui-même partiellement, peut être renforcée par nos spéculations mentales.

Notre spéculation métaphysique concilie reconnaissance de la finitude de la conscience mentale humaine et liberté absolue.
La vraie question spirituelle qui se pose aussi à un athée sincère est : comment échapper aux dangers de la négation de la finitude de la conscience mentale ?
N’est-ce pas au fond un visage défiguré de l’amour qui se poursuit à travers les négations illusoires de notre finitude ?
L’amour serait donc le mouvement d’unification et d’individualisation du multiple vers l’Un et le mouvement de l’Un vers le multiple mais aussi ce qui entraîne les pires destructions quand il se déforme dans la vie humaine. La souveraineté politique en convoitant la liberté absolue le fait au profit d’un seul et/ou au mépris de chacun : la convoitise de la liberté absolue d’abord pour soi est un amour défiguré.
Seule une société qui serait autant individualiste que solidaire c’est-à-dire parfaitement anarchiste incarnerait la liberté absolue de L’Un.
La souveraineté technoscientifique est mythique car le divers du multiple ne peut pas être réduit à une formule. Une liberté absolue présupposerait une conscience intime de l’un et du multiple dans tous les aspects sa procession et son ascension et pas seulement des ébauches d’intuition créatrices ou des sentiments d’auto-détermination. La souveraineté technoscientifique est peut-être inconsistante car au fond la technoscience développe insuffisamment d’amour sur le plan de la conscience subjective qui serait la condition nécessaire d’une connaissance par identité de l’Un et du multiple.
L’amour de la connaissance reste un piètre amour et donc une figure amoindrie de la liberté absolue tant qu’il ne transforme pas la qualité subjective du connaisseur sur tous ses plans. Autrement dit, l'amour de la connaissance ne doit-il pas nous porter à nous interroger sur les limites inhérentes à la connaissance mentale ? Allié à la foi, aux pratiques spirituelles les plus diverses et en tout cas les plus adaptées à notre individualité, notre amour de la connaissance ne doit-il pas renoncer à s'exercer au service d'une forteresse mentale défendant un point de vue qui reste prisonnier de la conscience mentale ?

Du point de vue de notre spéculation métaphysique, comment expliquer notre ignorance puisqu’au fond nous serions des reflets multiples de l’Un ?
Hans Jonas dans Evolution et liberté parlant du « parallélisme psychophysique de Spinoza » affirme « son échec devant la rareté cosmique de l’esprit ». Notre spéculation affirme le contraire d’une rareté cosmique de l’esprit dès lors qu'on envisage un dépassement de la conscience mentale. Hans Jonas cependant affirme « la faiblesse de toute métaphysique de la réussite [comme] une méconnaissance de l’audace divine dans la Création ». Il cite Etty Hillesum gazée à Auschwitz en 1943 :
« Oui, mon Dieu, tu ne sembles pas pouvoir changer beaucoup les circonstances... Je n’exige aucun compte de toi, c’est toi qui plus tard nous demanderas des comptes. Et presque à chaque battement de coeur, je vois plus clairement que tu ne peux nous aider, mais que c’est nous qui devons t’aider, c’est nous qui jusqu’au dernier devons défendre ta demeure au-dedans de nous. »
Tout d’abord si Hans Jonas admet ce qui lui semble une rareté de l’Esprit dans l’univers, il lui semble inévitable de reconnaître une forme d’Eros servant d’impulsion évolutive au cœur de la matière. Cette rareté de l’Esprit dont il parle provient d’un regard sur l’univers éduqué par la science issue de la conscience mentale. Et cet Eros, cette impulsion évolutive est ce qu’il discerne intellectuellement à partir d’un regard éduqué par la science. Si quelqu’un discernait cet Eros non pas intellectuellement mais dans le mouvement même de l’évolution de sa propre conscience, ne verrait-il pas là bien plus qu’un élan vital, qu’une impulsion créatrice ? Ne serait-ce pas l’amour de l’Un pour lui-même qu’il commencerait à discerner en toute chose ? Au lieu de regarder un morceau de fer comme un objet quantifiable qui par on ne sait hasard peut participer sous une autre forme à la vie, ne pouvons-nous pas ressentir à son toucher comme une vibration modifiant de notre champ de conscience de même qu’un autre rencontré modifie la teneur du champ de conscience où nous nous tenons ? Ce n’est donc pas plus tard que nous aurons des comptes à rendre, contrairement à ce que laisse penser Etty Hillesum, ce serait se surestimer encore. Car au fond si le fer et donc la matière s’inscrivent eux-aussi dans le champ de conscience de l’univers appelés à servir et prolonger nos plans de conscience où l’individualisation est plus prononcée, sommes-nous assuré d’être le sommet de l’univers ?
Satprem (Bernard Enginger), un disciple du philosophe indien Aurobindo a connu lui aussi l’expérience des camps de concentration. Dans Sept jours en Inde, il explique à Frédéric de Towarnicki ce que cette « expérience » lui a apporté :
« Mais enfin, tout cela a brisé... m’a brisé, m’a nettoyé merveilleusement - affreusement, mais merveilleusement. Parce que j’aurais mis combien d’années à me dépouiller de tout ce revêtement social, familial, intellectuel, culturel, tout ce qu’on m’avait mis sur le dos pendant vingt ans ? Vingt ans d’éducation occidentale. Eh bien, tout ce qu’on m’avait mis sur le dos a été brisé, moi y compris (ce que je croyais être moi). C’était une espèce de néant. Surtout ça : ce que je croyais être moi. Je croyais que c’était beaucoup de musique, de la poésie, de ceci de cela, et puis tout cela, c’était cassé. Cassé devant une espèce de substance humaine qui tout d’un coup découvrait la mort, la peur, l’horrible chose humaine, et qui se disait : mais quoi, quoi, quoi, qu’est-ce... ? N’est-ce pas, à ce moment de l’existence, il n’y aplus de barrières entre l’homme qui fait mal et celui qui le subit. Il n’y a pas l’homme de la Gestapo et la victime de la Gestapo, ou les SS et le prisonnier : il y a une espèce d’horreur dans laquelle on est. Il n’y a pas d’AUTRES, n’est-ce pas. On est totalement dans l’horreur. L’horreur, ce ne sont pas les autres : on est dedans.
Alors, ça a été... ça a brisé d’une façon si... si radicale tout ce que je pouvais être, ou tout ce que je croyais être, que tout d’un coup j’ai été précipité dans... mais dans la seule chose qui restait : dans ma peau. Oui, tout d’un coup, ça a fait une joie extraordinaire. Tout d’un coup, j’ai été au-dessus de tout ça, je dirais presque « riant ». Comme si, tout d’un coup, de cette dévastation, j’émergeais dans un lieu qui était... qui était « royal ». Je n’étais plus prisonnier ; je n’étais plus attaqué ; je n’étais plus... »
Satprem témoigne d’une autre interprétation possible des camps de concentration. Elle ne rend pas obsolète celle de Hans Jonas qui s’appuie tout de même sur « l’expérience » d’Etty Hillesum mais elle la transcende. Les camps de concentrations ne traduisent pas seulement le fait que l’évolution se joue dans l’aventure humaine et que l’homme en est responsable en tant que lui seul peut porter le projet divin. Pour Satprem, ils traduisent le fait que l’amour qui anime le mouvement évolutif, s’il n’est pas rendu conscient, se cherche de façon défigurée malgré l’homme et par son mal même. L’homme qui pourrait être le héros d’une évolution consciente de la conscience lorsqu’il se détourne de sa vocation n’en continue pas moins à servir l’élan d’amour mais de manière défigurée telle que des circonstances arrachent alors le besoin d’une autre manière d’être, le besoin de regarder son humanité comme un néant qu’il s’agit de dépasser.
Concentrés que nous sommes sur notre humanité et nos soucis d’êtres humains, notre amour se défigure, nous manquons l’opportunité de faire un pas vers notre liberté absolue. Mais comme nous n’en sommes pas moins une tentative d’individualisation matérielle de l’Un et de la liberté absolue, celle-ci continue à rester active dans le jeu universel des interactions humaines. Des conditions d’étouffement sont donc en train de se créer parce que au fond nous aimons le drame, notre humanité dramatise elle-même sa situation préférant plutôt périr que laisser le sommet de la création à une forme de conscience plus élaborée. Et heureusement dans ces conditions d’étouffements l’amour de la vie l’emporte sur l’amour anthropocentrique de notre humanité bestiale la vraie vocation de l’homme commence alors à se retrouver : « l’homme est un être de transition » dans le mouvement évolutif où le divin se démultiplie en lui-même.
Nos spéculations sur une liberté absolue nous amènent d’abord à admettre notre finitude. L’infantilisme humain qui prétend à une liberté absolue sous la forme de la conscience mentale aboutit aux pires tyrannies ou aux catastrophes de notre technoscience prométhéenne. Suivre nos désirs prisonniers de la conscience mentale n’est en aucune façon la réalisation d’une liberté absolue. Ce qui nous sépare d’un sens vrai de la liberté absolue est le caractère ignorant de nos amours. Pour s’approcher d’une liberté absolue, il nous faut un amour vrai qui nous permette de retrouver notre Moi unique sous notre petit moi, notre Moi unique derrière tous ceux qui sont rencontrés et même derrière les choses matérielles qui se manifestent comme notre univers.

A quelle condition serions-nous conscients de l'intention ou du Télos présidant au Big Bang ?

Si vraiment j'étais la conscience même de ce Télos qui manifesta le Big Bang, ne pourrais-je pas manipuler la matière en mon sein comme je manipule les pensées et les émotions ? A vrai dire cette prétention montre que celui qui l'a est fort loin encore d'avoir atteint la plus authentique conscience directe des pensées qui circulent dans la conscience universelle d'un individu à l'autre. Car celui qui entrevoit cette possibilité sait qu'il est loin d'être la conscience universelle de l'univers et donc y compris du Big Bang.


(on peut cliquer sur le schéma pour le voir nettement)


Ce schéma s'inspire de l'enseignement de Sri Aurobindo. Il distingue une manifestation individuelle et une manifestation universelle comme le fait Ken Wilber et ceux qu'ils inspirent. Mais tout d'abord les individualisations physiques, vitales ou mentales ne sont pas confondues avec le principe d'individualisation divine qu'est l'étincelle de l'âme, le Suprême conscient de lui-même partiellement, et la croissance psychique qu'il engendre à travers l'aventure de l'évolution cosmique : cette distinction n'est pas faite par Ken Wilber dans son fameux Quadrant et son absence conduit Andrew Cohen à juger impersonnel le Télos alors que si la distinction est faite on sait qu'il est paradoxalement intimement personnel et impersonnel. Ensuite contrairement à Ken Wilber ou Andrew Cohen, une conscience radicalement au-delà de la conscience mentale est supposée par ce schéma inspiré de Sri AUrobindo. Et ce serait une telle conscience radicalement au-delà de la conscience mentale qui aurait manifesté le Big Bang. L'évolution aurait commencé par une manifestation d'une réalité involuée dans un point d'énergie-espace-temps. L'élan de montée donnée par la conscience supramentale à cette réalité involuée rencontrerait un mouvement de descentes de plans de conscience en dernier ressort commandé par un élan de descente supramental.
Autrement dit, en son commencement, le Télos évolutif comporte comme un Eros ascendant, une aspiration du manifesté à une évolution et aussi comme un Agapè descendant, une conscience force au service de la manifestation. La description de ce Télos devrait aussi inclure une troisième dimension un besoin d'être psychique croissant de l'étincelle de l'âme.

Ainsi dans l'évolution ce seraient des plans involués dans l'énergie-espace-temps primordial qui se manifesteraient en montée à cause de plans de conscience immatériel descendant pour se matérialiser. Par exemple, quand le plan physique des atomes et des forces les régissant a été installé, le plan vital de la conscience aurait susciter dans son mouvement de hasard et de nécessité d'une part les systèmes planétaires et d'autre part les cristallisations moléculaires en vue de la biosphère et du cellulaire. Complexification et auto-organisation seraient en fait le premier pas de la conscience vitale involuée au sein de la préconscience physique.

La conscience vitale inférieure s'incarne en tant que pluricellaires et écosystèmes. Elle a plus de conscience que la préconscience physique mais elle ne permet pas de révéler plus de conscience au sein de la matière. Elle ne perçoit guère le Télos supramental même si déjà la descente mentale commence et si l'ascension vers elle commence à former un système nerveux centralisé.

Les flux descendants de conscience force intuitifs voire surmentaux ne sont pas la clé du processus de l'évolution, ce ne sont pas la conscience du Télos supramental. Ils s'inscrivent encore au final dans le cercle mental et dans l'histoire les sages, les saints, les artistes, les scientifiques et même les prophètes qui ont manifesté ces flux n'ont guère changé en profondeur le destin de l'humanité. Que se serait-il passé si les nazis avaient disposé de la bombe atomique ? Et aujourd'hui que se passerait-il si certains groupes terroristes disposaient de cette arme ?
A vrai dire ce type de danger idéologique n'est peut-être pas le plus menaçant pour nous, car au fond il profite des failles d'une économie globalement inhumaine dont les produits manufacturés les plus vendus restent les drogues, les armes et les dérivés du pétrole. Cette économie pollue en amont de sa production et de plus en plus en aval ceux qui consomment sa production. La recherche du profit risque de produire plus de morts que toutes les idéologies religieuses et politiques proprement dites... C'est l'âge de l'inquisiteur et du dictateur généralisé...
Ainsi toute l'évolution des mentalités n'est peut-être que l'épuisement aveugle du cercle mental et ne témoigne guère d'un progrès pour qui simplement observe ce siècle commençant et le précédent. Un âge spirituel et une évolution consciente de la conscience ne sera pas essentiellement une conscience mentale de l'évolution de la conscience mais une authentique conscience psychique (le Suprême conscient partiellement) de l'évolution universelle de la conscience au-delà des frontières du cercle mental.


Notre schéma de l'évolution des mentalités montre un Eros ascendant et un Agapè descendant. Mais si on regarde attentivement le schéma plus global qui précède celui-ci, il suggère que si l'aspiration (Eros) et la manifestation (Agapè) sont supramentales alors il ne sera plus possible de les distinguer : ce serait comme une transfomation du dedans, nous dit L'Agenda de Mère en 1969.

Dans notre hypothèse une conscience supramentale se tiendrait en arrière plan au sommet et à la base de la manifestation. Les étincelles d'individualité ayant grandi psychiquement à travers les divers plans de conscience s'universaliseraient authentiquement en tant que conscience supramentale de la matière : elles se manifesteraient dans un être individuel tout en englobant dans leur conscience l'univers sur tous ses plans de conscience. Une telle conscience, la Conscience Suprême manifestée matériellement pourrait alors légitimement prétendre avoir quinze milliards d'années. Se prétendre en tant qu'être humain dotée d'une conscience mentale vaguement spiritualisée, vaguement psychisée avoir quinze milliards d'année revient selon nous à s'abuser et à se fermer à un saut évolutif supramental éventuel qui seul manifesterait une Conscience Suprême incarnée.

mercredi 3 septembre 2008

LE PRINCIPE DE TOUT ENSEIGNEMENT INTEGRAL.


INDIVIDUALITE ET EDUCATION.

Le scientifique met en avant dans l'évolution des principes d'auto-organisations et de complexification de la matière. Un scientifique a en vu des lois qui valent universellement et c'est là la limite de toute démarche scientifique car on observera que l'évolution de l'univers à partir de masses énergétiques uniformes et de lois universelles finit par produire de plus en plus d'individualité. Toutes lois à notre échelle humaine risque de passer à côté de ses exceptions dues au fait que la différence individuelle l'emporte toujours. Cette observation philosophique de la différence, de l'individualité irréductible qui émerge au fil de l'évolution dont Leibniz et surtout Nietzsche en occident furent les promoteurs est aussi pour Prajnanpad, le maître spirituel d'Arnaud Desjardins un principe fondamental. Ceci explique en partie que Prajnanpad s'est toujours adressé à des disciples singuliers même si on peut dégager des constantes au fil de son enseignement.

Cette idée que l'évolution de l'univers exprimerait un principe d'individualisation a donc des conséquences immédiates sur la manière dont on doit envisager tout processus d'éducation.


APPROFONDISSEMENT DE LA NATURE DU PRINCIPE D'INDIVIDUALISATION.

Ce principe d'individualisation dans le cas de la conscience humaine ne peut être selon nous le simple résultat de l'auto-organisation cérébrale par simple jeu du hasard et de la nécessité. Ken Wilber insiste sur le fait que la vision scientifique du monde pour objective qu'elle soit est incomplète tant qu'on ne considère pas la dimension subjective du monde. Ceci nous inspire donc ce quadrant :

Il n'est pas certain que Ken Wilber adhérerait à notre interprétation de son quadrant dans la mesure où il estime que la vision darwinienne de l'évolution n'est plus défendable. Quant à nous, nous estimons que le paradigme darwinien actualisé par les idées d'auto-organisation, de complexification reste défendable d'un point de vue objectif tout en n'interdisant pas d'apercevoir subjectivement à l'oeuvre une force de prise de conscience de la conscience. Par expérience, apercevoir cette force nous semble lié à une forme de foi qui ouvre à la conscience de sa présence. Sinon comment expliquer que tant de spiritualités la nient sous quelque forme que ce soit en estimant que l'univers est une illusion ou une malédiction ou que tant de scientifiques confrontés aux données de l'évolution voit dans notre conscience humaine qu'un épiphénomène perdu au sein de l'inconscience matérielle ? Le point de vue subjectif implique toujours des cercles herméneutiques et donc la question de la foi qui commence toujours par l'adhésion à certaines valeurs reste toujours problématique. Même un enseignement philosophique areligieux comme l'était le scepticisme antique nécessite une forme de foi quand on l'emprunte : il faut avoir foi dans son efficacité quand on ne parvient pas encore à suspendre son jugement rigoureusement de tout ce qui apparaît dans la conscience...

Toutefois puisque la foi pour s'individualiser a besoin tout d'abord de raisons, il nous faut esquisser en quoi le point de vue objectif qui nie l'importance de la subjectivité en la réduisant à la conscience ponctuelle d'un être humain est cependant conciliable avec l'idée d'une individualisation d'une conscience de l'Un primitive et absolue.

Avant qu'un homme inconnu ne lève le bras pouvait-on prévoir celui qu'il léverait ? Bien sûr il y a des statistiques reliées au fait qu'il y a des droitiers et des gauchers mais qui nous dit qu'un inconnu ne lévera pas le bras qui n'est pas le plus adroit ? Une telle prédiction nous confronte donc au hasard cadré cependant par une certaine nécessité... Mais si on interroge l'homme qui vient de lever son bras cette analyse en terme de hasard et de nécessité le satisfera-t-il ? Il sera prêt à reconnaître qu'effectivement il est en grande partie déterminé mais lorsqu'on évoquera le hasard, il estimera lui qu'il s'agit plutôt de liberté, de prise de conscience qui s'auto-détermine.

Toutefois notre exemple qui éclaire un positionnement subjectif par rapport à une enquête objective scientifique reste très critiquable et d'ailleurs il suffit pour le disqualifier de montrer combien l'ego dispose de peu de liberté et combien ses prises de conscience sont limitées pour redonner toute sa place au jeu objectif de la matière.

Mais là encore il y a un acte de foi et l'expérience évolutive qui l'accompagne qu'on risque de bien vite exclure et qui seul peut faire émerger un authentique pôle d'individualisation en nous au lieu de cet ego où sans cesse des forces universelles tirent les ficelles si bien que l'individualisation dont il témoigne paraît presque illusoire. Cet acte de foi n'est pas une simple adhésion mentale à une doctrine mentale elle est avant tout une transparence de l'ego à son authentique courant d'individualisation. Autrement dit cet acte de foi lorsqu'il est authentique serait une action même de l'être psychique en croissance sous la surface de notre vie subjective la plupart du temps extérieure et donc toute entière soumise aux fluctuations universelles. Ce serait le commencement d'un retour à soi-même au travers du poste avancé mais si instable qu'est l'ego dans son action d'individualisation dans le cours de l'évolution.

Et il faut bien le dire pour avancer sur le chemin de ce retour à soi-même, il faut paradoxalement parfaire l'impulsion évolutive d'individualisation dont nous résultons. L'ego doit donc se libérer de ses idées, de ses désirs et de ses sensations qui en fait le soumettent inconsciemment à l'univers et ses forces. Il doit non les exclure mais les intégrer consciemment en se soumettant aux authentiques forces universelles qui au lieu d'assurer la reproduction de l'univers le pousse en avant vers l'émergence de nouvelles possibilités individuelles de conscience en lui qui vaudront pour tous. A vrai dire le point de vue objectif qui admet l'émergence de nouvelles lois universelles est un point de vue rétrospectif essentiellement matérialiste, plus encore que vers l'émergence de nouvelles lois de la nature qui seraient de nouvelles formes de déterminismes l'évolution semble relativiser les lois en tant qu'habitudes qui pourront être manipulables du point de vue d'une liberté et d'une conscience plus vaste.

Ce principe d'individualisation authentique est ce que certaines traditions spirituelles ont nommé l'âme, psychè. La tradition à laquelle appartient Socrate et qui en occident s'est diffusé à travers lui reconnaît l'existence d'un tel principe psychique (à ne pas confondre ici avec notre psychologie essentiellement liée à l'ego) comme une démultiplication ou un rayonnement de l'absolu. L'âme est engendrée en son fond par cet absolu, cet Un qui s'est différencié en toutes choses. Dans le christianisme on affirme que l'âme peut être damnée et donc qu'elle n'est pas intrinsèquement de nature divine mais comme il faut bien qu'en son sein une étincelle divine l'individualise à la fois dans l'éternité et le temps, on a spéculé sur ce lieu psychique où se joue au fond notre divinisation.

Si on est libre de toute limite doctrinale, on peut comprendre que l'âme ou le principe de l'être psychique est en son fond d'abord une démultiplication de l'Un qui s'Un-dividualise en quelque sorte par là au sein de sa démultiplication matérielle, vitale et mentale cosmique et universelle. L'évolution pourrait se comprendre comme un mouvement de démultiplication de la conscience de l'Un lui-même au sein d'individus psychiques multiples. Dans un langage religieux, il semblerait que Dieu lui-même se manifeste de plus en plus complètement en un nombre infini de personnes, d'âmes personnelles. Mais ce langage revient vite à poser une âme personnelle qui confierait à la grâce de Dieu sa divinisation. La foi nous le répétons n'est pas de notre point de vue une adhésion mentale à une doctrine qui renouvelée régulièrement au travers de rites religieux suffirait à nous faire mériter notre salut c'est-à-dire la divinisation de notre esprit et de notre chair. Le secours de la grâce est essentielle certes mais aucune divinisation ne peut avoir lieu sans qu'ici même dans notre chair, notre principe d'individualisation authentique n'émerge et ne réforme cet avant-poste qu'est l'ego.

Le plus grand nombre des religieux quand il nous parle de foi religieuse ne nous parle que d'une dimension de conservation de leur ego en l'état. La foi est alors une technique de l'ego pour garder la tête dans le sable face à tout ce qui menace sa posture.

Certes il y a une dignité de l'ego mais il n'est qu'une créature séparé de son créateur (ou de ce qui le manifeste si on veut éviter de s'enfermer dans un vocabulaire théologique chrétien) et il ignore la plupart du temps son impulsion créatrice parce que certains processus auxquels l'ego s'identifie nie cette impulsion individualisante qui le manifeste. Dans ce contexte quand l'ego embrasse une foi religieuse, un tel type de foi reste aveugle à son contact avec son créateur même s'il permet parfois de sauvegarder l'espoir face à des circonstances cruelles. Ce type de foi qui reste aveugle permet alors d'accueillir ce qui permet de changer les circonstances matérielles et sociales qui valorisent le développement et la sécurité de l'ego. L'évolution mentale qui permet la technoscience et la satisfaction sociale équitable des désirs des egos ne pouvait donc que triompher si le noyau de la foi religieuse consiste majoritairement en cela. Cependant quand elle reste aveugle, la foi est prisonnière de processus idéologiques qui conduisent à rejeter sa dissolution à tout prix dans un monde technoscientifique et libéral où elle n'est plus nécessaire au processus évolutif : la foi aveugle et ignorante de sa nature devient alors de plus en plus nettement diverses formes destructrices de terrorisme de l'ego.

La foi religieuse est un reflet plus ou moins authentique de la foi psychique véritable dans la mesure où elle exprime plus ou moins un besoin d'être intérieur, une aspiration à plus d'être. Cette foi vraie qui au sein de notre ego participe à son individualisation, à son élargissement et donc sa dissolution pour directement servir l'Un-dividualisation de l'absolu finira donc par outrepasser toute limitation religieuse et toute limitation doctrinale de conceptions philosophiques et spirituelles.

La durée d'une vie humaine est donc un mouvement de flux et de reflux de ce mouvement d'individualisation universel. L'ego meurt mais quelque chose du mouvement d'individualisation dont il fût la réalisation demeure. Ce quelque chose acquis dans le temps a pris une dimension éternelle qui pourra se rejouer de nouveau à travers un tout autre ego. Ce dont nous parlons n'est pas d'un ego qui change de peau et de visage voire de costumes. Autrement dit un ego ne se réincarne pas. Ceci n'est pas vraiment non plus une transmigration de l'âme qui quitterait un corps pour loger dans un autre. Comment un principe d'individualisation s'individualisant psychiquement sur un plan tempiternel (où le temps et l'éternité se fondent) quitterait un corps pour loger dans un autre disponible ? Il y aura plutôt comme une influence psychique qui se traduira au niveau de la composition d'un nouveau corps comme la forme de la feuille dépend de celle de la brindille où elle a bourgeonnée et la forme de la brindille dépend de la feuille de la saison précèdente et aussi de toute l'histoire de l'arbre la saison passée.

Certes très rarement l'âme a conscience d'elle-même. Tout au plus y a-t-il ces moments privilégiés qui semble surnager au milieu de ce qui s'est dissous dans l'espace temps, ces moments qu'on ne regrette pas parce qu'ils sont là vivants, ces moments qui ne nous ont jamais fait souffrir aussi douloureux qu'ils aient pu être vus qu'ils nous ont fait grandir. L'ego est certainement un certain reflet de l'âme au niveau même du sentiment réfléchi de soi-même et de sa capacité de personnalisation des univers mentaux, émotionnels et même physiques mais il est aussi et trop souvent le jouet des opinions de son temps et de son entourage, des émotions de son milieu, et même des perceptions physiques de sa race. L'ego même titanisé (exacerbé plus qu'intégré à une conscience plus large) n'est donc jamais soi-même.

Notre société actuelle pourrait revendiquer une capacité d'individualisation authentique plus grande que les sociétés du passé. Pour preuve tous les discours sur "devenir soi", sur le développement personnel, l'épanouissement de la personnalité, etc.

Mais à bien y regarder nous constatons être les jouets de processus psychologiques familiaux, sociaux et nationaux. Plus globalement nous autres postmodernes qui n'imposons plus un récit global plus ou moins dogmatique et idéologique et qui n'assignons plus une place sociale à nos enfants, nous nous apercevons qu'eux et nous plus que jamais peut-être restons le jouet des désirs les plus bestiaux : recherches de reconnaissance, désirs d'appropriations et désirs sexuels.

Ce triangle que malgré nous nous transmettons à nos enfants est la cause directe entre autre des drames familiaux, des injustices économiques persistantes et du déséquilibre écologique.

La foi psychique aujourd'hui quand elle commence à s'éprouver par delà les formations émotionnelles et mentales est l'aspiration à évoluer vraiment au-delà de notre condition animale, à intégrer dans une évolution consciente de notre conscience les pulsions de vie et de mort caractéristiques de nos cellules.

Nous sommes au carrefour d'une évolution de tous nos principes d'individualisation à la fois : il faut que notre Un-dividualisation spirituelle collective rencontre notre Un-dividualisation psychique.

Nous sommes donc à un carrefour où il nous faut reconsidérer simultanément l'éducation et la vie sociale.


CONSEQUENCES SUR NOS CONCEPTIONS EDUCATIVES.

Si il y a une tempiternité d'être de l'individualisation qui s'inscrit au coeur de toute vie humaine, l'enseignement doit donc consister à réactualiser cette croissance psychique et à en favoriser le devenir. Socrate exprime-t-il autre chose à travers sa théorie de la réminiscence ? Le modèle éducatif doit s'inspirer de la maïeutique, cet art de faire accoucher l'esprit des réminiscences de sa véritable nature au-delà de tous les vernis égocentriques, sociaux, idéologiques, corporels, etc.

De ce point de vue, l'éducation qui étymologiquement signifie conduire (ducere) hors de (e(x)-) est soit un terme à rejeter soit un terme à entendre autrement.

Aurobindo en 1910 affirme en ce sens dans un article de sa revue Karmayogin :

"The first principle of true teaching is that nothing can be taught. The teacher is not an instructor or task-master, he is a helper and a guide. His business is to suggest and not to impose. He does not actually train the pupil's mind, he only shows him how to perfect his instrument of knowledge and helps and encourages him in the process. He does not impart knowledge to him, he shows him to acquire knowledge for himself. He does not call forth the knowledge that is within ; he only shows him where it lies and how it can be habitued to rise the surface. The distinction that reserves this principle for the teaching of adolescent and adult minds and denies its application to the child, is a conservative and unintelligent doctrine. Child or man, boy or girl, there is only one sound principle of good teaching. Difference of age only serves to diminish or increase the amount of help and guidance necessary ; it does not change its nature."

[ "Le premier principe d’un véritable enseignement est que rien ne peut être enseigné. Le professeur n’est ni un instructeur ni un maître d’école, c’est un guide. Son travail est de suggérer et non d’imposer. Il n'entraîne pas l'esprit de l'enseigné, il lui montre seulement comment perfectionner son instrument de connaissance et il l'aide et l'encourage dans le progrès. Il ne lui transmet pas de la connaissance, il lui montre comment acquérir de la connaissance pour lui-même. Il ne provoque pas ce qui est à l'intérieur, il lui montre seulement où ça se tient et comment ça peut s'habituer à gagner la surface. La distinction qui réserve ce principe pour l'enseignement des esprits adolescents et adultes et dénie son application à l'enfant est une doctrine conservatrice et inintelligente. Pour l'enfant ou l'homme, la fille ou le garçon, il y a seulement un principe sensé de bon enseignement. La différence d'âge sert seulement à diminuer ou à accroître la sorte d'aide et de guidance nécessaire, cela ne change pas sa nature."]


Satprem dans La génese du surhomme p.192-195 prolonge ce point de vue de manière percutante :

" Aussi bien, l'apprenti surhomme pourra-t-il commencer sa bataille tres tôt, non seulement en lui-même mais dans ses enfants, et non seulement à la naissance de l'enfant mais dès sa conception.

Nous naissons sous une cloche de plomb. Elle nous entoure bien, elle est hermétique et invisible, mais elle est la, elle coiffe nos moindres gestes, nos moindres réactions. Nous naissons "tout faits", pourrions-nous dire, mais cette facture-là n'est pas la nôtre, ni dans le meilleur ni dans le pire. C'est un million de sensations, qui ne sont pas encore des pensées mais comme des semences de désir ou de repulsion, des odeurs de crainte, des odeurs d'angoisse comme un subtil salpêtre qui tapisse nos caves : des couches et des couches de défenses et d'interdits, et quelques rares permissions qui sont comme la même fuite d'une même ruée obscure dans nos tunnels; et puis, là-dedans, un petit regard étonné qui n'y comprend rien, mais à qui l'on a vite fait d'apprendre la "vie", le bien, le mal, la géométrie et les tables de la loi - un petit regard qui se voile, qui se voile, et qui n'y comprend définitivement plus rien quand on lui a tout fait comprendre. Parce que le principe évident, naturel, est qu'un enfant ne comprend rien et qu'il faut lui apprendre à vivre. Mais il se pourrait fort bien que l'enfant comprenne très bien, même si ce n'est pas conforme à nos structures, et que nous lui apprenions seulement à enterrer sa connaissance pour la remplacer par une science toute faite, qui l'enterre pour de bon. Et nous passons trente ans de notre vie à défaire ce qu'ils ont fait, à moins que nous ne soyons un sujet particulièrement réussi, c'est-à-dire un emmuré définitif, consentant, poli et diplômé. Une bonne partie du travail consiste donc, non pas à "faire" mais à défaire cet envoûtement. On nous dira que cette lutte est fructueuse, qu'elle nous enrichit, fait nos muscles et notre personnalité c'est une fausseté. Elle nous durcit, elle nous fait des muscles militants et risque de nous enfoncer dans un "contre" aussi nocif que le "pour". Et par-dessus le marché, elle ne nous fait pas une personnalité, mais un masque, car la vraie personne est là, toute là, candide et grande ouverte, dans le regard d'un enfant qui vient de naître - on y ajoute seulement la misère de la lutte. Nous croyons formidablement, intensément, aveuglément en le pouvoir de la souffrance : c'est le sceau subconscient de toute notre civilisation occidentale depuis deux mille ans. Et peut-être était-elle nécessaire, vu l'épaisseur de notre substance. Mais la loi de la souffrance est une loi du Mensonge - ce qui est vrai sourit, c'est tout. La souffrance est le signe de la fausseté, elle va avec elle, elle est le produit de la fausseté. Et croire que cette souffrance nous enrichit, c'est croire que la tuberculose est un bienfait des dieux, encore que la tuberculose puisse nous aider aussi à briser la carapace de mensonge. Cette vertu négative, comme toutes les vertus, laisse à jamais sur nous une ombre; et même le soleil découvert est encore taché par cette ombre-là. Les coups, en vérité et par nécessité physique, laissent leur contrecoup, et font des délivres au coeur brûlant qui se souviennent d'avoir souffert. Ce souvenir-là est encore un voile sur le regard candide. La loi des dieux est une loi ensoleillée. Et peut-être toute l'oeuvre de Sri Aurobindo et de la Mère est-elle d'avoir apporté au monde la possibilité d'une voie ensoleillée où il ne soit plus besoin de souffrance ni de douleur ni de catastrophe pour progresser.

L'apprenti surhomme ne croit pas en la souffrance, il croit en l'enrichissement de la joie, il croit en l'Harmonie; il ne croit pas en l'éducation, il croit en le pouvoir-de-vérité qui est au coeur de toute chose et de tout être - il aide seulement cette vérité à croître avec le moins d'entraves possibles. Il a confiance en le pouvoir de cette vérité. Il sait que l'homme va toujours, inexorablement, a son but, en dépit de tout ce qu'on peut lui dire ou lui apprendre - il cherche seulement à supprimer ce "en dépit". Il arrose seulement cette petite pousse de vérité; et encore, avec prudence, car il est des pousses qui aiment les sables et les rocailles. "


BILAN.

L'éducation n'est pas une sortie hors de soi mais doit plutôt devenir une aide à la réminiscence du fil de l'évolution de l'âme. L'âme envisagée comme le principe d'individualisation individualisé et s'individualisant au sein de l'univers paraît une notion recevable du point de vue de ceux qui veulent prendre au sérieux la dimension subjective de l'évolution.

L'enseignant quel qu'il soit vise donc à réactualiser la tempiternité de l'âme et son modèle en occident est par excellence la maïeutique de Socrate.

Imaginons que toute famille soit face à ses enfants, comme face à une tentative d'incarnation divine du principe d'individualisation universelle ce que certains chrétiens nomment le Christ :

Aurions-nous l'idée de les mettre dans un moule éducatif ou servirions-nous leur croissance psychique qui au fond aide la nôtre aussi à croître ?