lundi 13 octobre 2008

SIGNES D'UNE CONSCIENCE SUPREME CREATRICE.


L’intérieur du Big Bang.
Les scientifiques en astrophysique estiment en majorité que toute l'énergie-espace-temps provient d'un seul point qui s'est comme dilaté. Deux preuves majeures outre l'astronome Hubble a observé que les galaxies s'éloignaient les unes des autres. On a relevé une température fossile au sein de tout l'espace intersidéral qui témoigne d'un univers uniformément chaud dans le passé.
Le Big Bang d'après les scientifiques ne doit pas être considéré du point de vue d'une conscience humaine qui conçoit une explosion se produisant au milieu de l'espace-temps. En effet car c'est l'espace-temps lui-même qui apparaît au sein du Big Bang. La plupart des représentations artistiques sont donc fausses puisqu'elle le montre comme une explosion au sein d'un espace vide.

Dans cette représentation en première personne, l'observateur perçoit le Big Bang là-bas dont est issu sa propre perception de l'espace temps. La position intérieure aux effets du Big Bang est donc mieux soulignée.
Peut-on aller plus loin et dire comme Andrew Cohen :
"Si nous considérons le Big Bang de l’extérieur, nous voyons une explosion d’énergie qui est devenue matière, qui à son tour a donné naissance à la vie, d’où a émergé la faculté de conscience. Mais si nous regardons le Big Bang d’un point de vue intérieur, nous y trouvons une intention, une intention de devenir. Le Big Bang ne peut pas avoir été purement arbitraire ou accidentel. Il y a là du telos, une intentionnalité qui lui est inhérente, une tension, un mouvement vers, que nous pouvons découvrir de fait en contemplant notre propre expérience. Croyez-vous que le fait que nous puissions avoir une conversation comme celle-ci soit un accident complet ? Cela peut-il être un résultat purement arbitraire d’un événement sans cause ? Pour ma part, je ne le pense pas. Et la raison pour laquelle on peut l’affirmer se trouve dans l’expérience de la conscience elle-même, qui est le fondement d’où a émergé tout ce processus. Comment se fait-il que lorsque nous nous éveillons à la conscience nous nous sentions délivré de la confusion existentielle ? C’est parce que notre doute existentiel, notre peur que tout cela soit un exercice vain et dépourvu de sens disparaissent dans la découverte du lieu ultime d’où provient l’ensemble du processus. Les personnes qui s’éveillent profondément à la conscience découvrent en même temps la conviction absolue d’un sens et d’une raison d’être. C’est comme si on commençait à s’éveiller à l’intelligence et impulsion qui génère le processus entier. On est en contact avec cela à travers notre propre prise de conscience. Au niveau de l’intuition, on commence à percevoir un esprit à l’œuvre, une intention qui n’est pas personnelle et qui n’est pas un individu. Et c’est cela qui nous inspire une profonde confiance dans le fait que tout cet événement est porteur de sens."
Cette citation de Andrew Cohen pose très clairement le débat sur une dimension absolue de nos consciences qui serait éternelle et qui ferait être le devenir lui-même. Cette Conscience divine dont nous serions l'expression serait en outre transpersonnelle dans la mesure où ce serait une intention impersonnelle et non individuelle.

Le Big Bang surgirait donc de la vacuité impersonnelle et donc non individuelle de la conscience formant par la suite une conscience en première personne (une âme) dotée d'une individualité par le biais de son corps. Ce processus du Big Bang se poursuivrait au coeur de la première personne comme une intention impersonnelle qu'elle peut prolonger lorsqu'elle revient à elle-même malgré et grâce à sa personnalité.

Cependant peut-on assimiler tel quel ce qui relève d'un processus d'intuition créatrice surgissant dans le champ de la conscience en première personne et un processus proprement matériel ?
On pourrait pour justifier cette identification et la préciser qu'il ne s'agit pas d'identifier le Big Bang et l'intuition crétrice mais le Telos qui produisit le Big Bang et celui qui produit aujourd'hui l'intuition créatrice au sein d'une conscience en première personne. Le schéma précédent inspiré de Ken Wilber montre qu'on ne doit pas considérer seulement notre conscience comme une première personne, comme un "JE SUIS". Le point de vue subjectif individuel n'existe pas en dehors d'un "NOUS SOMMES", d'un point de vue subjectif collectif. Ce point de vue intérieur car subjectif correspond aussi à un point de vue extérieur que la science matérialiste a peu à peu exploré. Ainsi l'expansion de l'énergie-espace-temps qui est une complexification objectives des individualités et des collectifs en son fond a la même origine que l'évolution des points de vue subjectifs individuels et collectifs. C'est un même Télos qui anime toute l'évolution et qui se retrouve à chaque niveau. L'expansion de l'espace-temps-énergie n'est pas en tant que tel ce Télos puisque c'est depuis qu'elle s'est produite une loi de l'univers. Le Télos est plutôt ce qui à chaque instant du processu évolutif fait surgir l'inédit et l'imprévisible du point de vue des lois établies de l'univers. Ce Télos du point de vue extérieur objectif et individuel est le jeu du hasard et de la nécessité orienté vers une auto-organisation et la complexification. Du point de vue extérieur objectif collectif, cela se traduit comme une émergence de nouvelles lois gérant ces nouvelles individualités. Mais il faut voir à quoi ceci correspond du point de vue intérieur subjectif : une évolution de plus en plus consciente de la conscience individuelle et collective.


Critique de ce point de vue intérieur sur le Big Bang du point de vue de la question persistante du mal et de l'ignorance.


Tout ceci pourrait être convaincant et nous pourrions nous présenter comme "moi, 15 milliards d'années"...
Mais tout ce discours a d'évidentes faiblesses spirituelles. Il ne faut surtout pas confondre une expérience directe de la conscience qui implique des possibilités d'action assez précises et des connaissances indirectes et partielles qui impliquent des capacités d'actions plus qu'imprécises. D'ailleurs c'est le caractère indirect et donc partiel de cette connaissance qui entraînent des possibilités d'interprétations antinomiques : on peut s'appuyer sur elles pour défendre des positions athées aussi bien que diverses positions spiritualistes.

Une pensée ou une émotion peuvent être modifiées dans notre conscience individuelle et collective. Des intuitions peuvent éclairer jusqu'à une partie de notre conscience sensori-motrice individuelle et des processus de guérison peuvent être ainsi transmis de l'un à l'autre.

Cependant notre action sur l'infiniment petit, sur les cellules, les molécules, les atomes, les particules ne peut pas être directe qu'elle passe par la voie objective ou par la voie subjective. De même notre action sur l'infiniment grand est très limitée : notre puissance thermonucléaire ne permettrait pas d'éloigner la menace d'un météorite trop grand. Notre action sur notre biosphère est encore très peu consciente et nos connaissances en ce qui la concerne ne permettent guère d'envisager de la reconstituer technologiquement.

Hans Jonas évoque malgré tout lui aussi un Télos. Il parle en effet d'un Eros, une réalité pré-subjective au coeur de la matière car face aux objections matérialistes athées, il est prêt à reconnaître que la conscience est bien rare et fragile dans notre univers pour envisager comme les religions monothéistes n'hésitaient pas à le faire un Dieu créateur omniscient et omnipotent. Mais selon lui il faut bien que la conscience qui est une intériorité subjective ait un prolongement au sein de ce qui paraît une chose du point de vue extérieur et objectif. Pour un lecteur de Hans Jonas, affirmer que j'ai quinze milliard d'années est en un sens un signe d'orgueil de la conscience mentale humaine spiritualisée. Une telle conscience pense que parce qu'elle a surmonté certains aspects de sa personnalité pour s'apercevoir en première personne sur fond de vacuité, elle peut interpréter le courant de forces descendantes comme le Télos, le processus même qui fût à la source du Big Bang. Pour Hans Jonas, ce Télos qui se présente comme un Eros, une réalité pré-subjective et non pleinement subjective au coeur de la matière, serait avant tout un mouvement d'humilité du divin, qui s'abaisse à une aventure de la conscience depuis une quasi absence de conscience.

Dans Le concept de Dieu après Auschwitz, Hans Jonas écrit en ce sens :

« Au commencement, par un choix insondable, le fond divin de l’Être décida de se livrer au hasard, au risque, à la diversité infinie du devenir. Et cela entièrement : la divinité, engagée dans l’aventure de l’espace et du temps, ne voulut rien retenir de soi ; il ne subsiste d’elle aucune partie préservée, immunisée, en état de diriger, de corriger, finalement de garantir depuis l’au-delà l’oblique formation de son destin au sein de la création. L’esprit moderne repose sur cette immanence absolue. »

A vrai dire le mythe de Hans Jonas a de fortes résonances chrétiennes. Le concept théologique de kénose met en effet en avant l’idée que Dieu en Jésus-Christ s’est fait homme et que dans cette incarnation il n’a rien retenu, comme le dit Saint-Paul, du rang qui l’égalait à Dieu. La question du mal taraude précisément une foi qui accorde à la personne humaine une importance centrale. Comment Dieu qui se serait fait homme et qui aurait vaincu la mort et dont le message a affirmé que la vocation de l’homme était l’amour du prochain identique à l’amour même de Dieu peut-il laisser tant d’innocents tués ainsi ? Le chrétien est invité à sonder le mystère même de la mort de celui qu’elle tient pour Dieu fait homme : dans sa sagesse infinie et son amour du prochain il n’a connu aucun secours lorsqu’il a été condamné à la crucifixion. Le christianisme des Evangiles ne donne aucune réponse de l’ordre de la connaissance intellectuelle au mal même si ses penseurs depuis Origène ont régulièrement tenté de le faire. Seul l’amour, l’agapè qui se donne à l’autre et qui pour nous reste un mystère est présenté comme ce qui brisera le mal qui en soi reste mystérieux. La réponse peut paraître simpliste et imparable tant elle est bardée de mystères. Mais si quelqu’un connaissait vraiment la cause du mal il pourrait le vaincre. Et si l’amour est la réponse au mal quelqu’un qui connaîtrait vraiment ce qu’est l’amour saurait vraiment ce qu’est le mal et pourrait le vaincre. Qu’on soit chrétien ou non n’est pas ici la question, la question est : accordons-nous une valeur infinie aux personnes ? Si nous accordons une telle valeur à la personne humaine, alors la question qui doit être fondamentale est comment pouvons-nous la libérer absolument du mal ? La question du sens de l’idée de liberté absolue devient donc alors la question de savoir si nous pouvons nous libérer absolument du mal. Le chrétien s’il affirme que son Dieu vaincra le mal par l’amour en transmettant le témoignage d’une victoire sur la mort de jésus-Christ nous dit d’adhérer à son espoir mais il nous dit moins souvent comment comprendre et développer ce qu’il pointe comme le mystère de l’amour. En général cela ressemble à une imprécation ou une exhortation mais rien de plus transparaît sinon parfois le dogmatisme et le sectarisme religieux qui affirme sa vérité exclusive et supérieure à toutes les autres. Trop souvent l’affirmation de la divinité de Jésus-Christ sert à dédouaner celui qui s’affirme chrétien de suivre Jésus-Christ qui pourtant cite les psaumes de David pour dire de chacun : « vous êtes les fils de Dieu » lorsqu’on l’accuse de manquer d’humilité en s’affirmant comme Fils de Dieu.
Hans Jonas évoque l’humilité de Dieu pour expliquer le mal mais il ne répond pas à la question de savoir quel est le lien entre l’humilité divine et la proposition de divinisation qu’il nous fait et qui semble attachée à la pratique de l’amour. Faut-il voir là une religiosité illusoire ? Ou alors n’y a-t-il pas là encore en dehors des catégories religieuses un savoir possible qui ne peut se réduire aux limites d’une croyance tenace mais sans fondement sur une expérience spirituelle authentique ?

Vers une approche plus consciente du processus évolutif et de notre finitude.
Imaginons une liberté absolue qui contrairement au scénario de Hans Jonas ne perdrait pas son pouvoir non pas en tant que toute-puissance affichée mais en tant que horizon où tout demeure possible. Autrement dit elle ne perdrait pas son pouvoir divin au cœur de la finitude grâce à un pouvoir de divinisation.
Pour une telle liberté absolue, tout serait donc toujours possible. Contrairement à ce qu'en dit Andrew Cohen dans cette citation où il juge l'impulsion créatrice seulement impersonnelle et à Jonas qui l'estime seulement personnelle, elle serait capable de ces deux dimensions d'une même réalité qu'elle est. Elle pourrait en outre réaliser une multiplicité infinie d’état d’être sans perdre l’unité qui serait à son principe. Elle pourrait réaliser cet univers et tout ce qui existe sans perdre de vue la conscience de sa propre unité. Autrement dit, elle pourrait s’incarner sous la forme d’un être humain marqué par la finitude sans se perdre elle-même dans son pouvoir de divinisation.
A travers deux êtres humains, la relation qu’ils forment, cette liberté absolue s’exprime toujours dans son unité que ces êtres humains se fassent du bien ou du mal de leurs propres points de vue finis. Mais pour cette liberté absolue, retrouver son pouvoir de divinisation implique que l’un au moins embrasse l’unité au point où il se sent l’unique unité aussi présente au cœur de l’autre. L’amour semble donc de ce point de vue le seul horizon possible de divinisation pour une liberté absolue qui s’est incarnée complètement dans un être humain marqué par la finitude.
L’univers est alors un jeu possible de la liberté avec elle-même qui s’auto-limite dans des formes multiples.
Dans le cas de l’homme, cette Unicité de liberté absolue peut s’entrapercevoir d’abord seulement comme « Idée », idée intellectuelle mais aussi idée directrice, idéal et aspiration du cœur... Elle commence alors à devenir consciente d’elle-même de son absoluité infinie à travers une de ses expressions finies. L’amour compris comme retrouvailles dans l’âme de l’unité primordiale dont elle émane signifie aussi retrouvailles de cette même unité qui aspire à elle-même enfouie au fond de chaque cœur, au fond de chaque âme qui tente d’y croître dans la lumière de l’étincelle primordiale d’unité où elle prend source.
Cette Unicité en l’homme s’aperçoit en premier lieu comme un idéal, une aspiration, une foi d’une forme finie à une divinisation par l’amour.
Comment cet Un pourrait-il être liberté infinie première et Unique devenir multiple sinon à travers une individualisation multiple de lui-même capable de se retrouver dans le mouvement d’amour de la conscience de lui-même ?
L’évolution de l’univers serait alors non seulement un jeu de la liberté absolue avec elle-même se masquant dans des êtres limités voire déterminés mais aussi le simple devenir multiple de la liberté absolue qui en son essence est une et se recherche du sein de sa propre démultiplication. La liberté absolue serait en train de se démultiplier elle-même à travers de multiples individualités sans même renoncer à son absoluité elle-même. L’Un absolument libre se démultiplierait sans perdre son absolue liberté dans son Multiple.
La multiplicité serait l’expression d’infinies possibilités à ceci prêt que cette expression imprévisible ressemblerait à du hasard aveugle du point de vue d’un être fini qui ignorerait sa propre nature. D’autre part, en tant qu’unicité absolue, il y a une forme de nécessité de l’Être. L’inexistence absolue est certes une possibilité de l’Être d’une liberté absolue mais à travers l’une de ses formes de conscience individualisée. L’Être de la liberté absolue ne peut pas s’annihiler en tant que tel.
Par le jeu de l’Un et du Multiple on comprend le mouvement du hasard et de la nécessité du point de vue fini qui est le nôtre. On évoque parfois l’image d’un fleuve chaotique formant par hasard la nécessité de son propre écoulement en creusant son lit. Mais pourquoi le fleuve chaotique des possibilités ne détruit-il pas au final ses berges et ne dissipe-t-il pas soudain ses nécessités ? Pourquoi la mer chaotique de la réalité primitive contenant toutes les possibilités, cette liberté absolue impersonnelle s’est-elle muée en un fleuve du hasard et de la nécessité dont l’évolution a produit des êtres personnels conscients ?
En fait l’Un ne peut se nier dans sa Multiplicité, il est à lui-même sa propre nécessité qui coordonne et harmonise ses contingences qui pour nous sont d’abord des hasards. Car ce qui se démultiplie se démultiplie dans l’Un lui-même, dans l’Être de l’Un lui-même et ce qui se démultiplie dans la démultiplication s’érige en écho harmonieux de cette Unité principielle. Le Multiple ne forme pas un pur chaos car il est toujours en train de s’organiser harmonieusement en unités reflets collectifs de l’Un.
La nécessité principielle est l’intériorité de L’Un, l’intériorité de l’absolue liberté qui jouit de ce qu’elle est au sein d’elle-même, disposant certains de ses possibles dans le développement virtuel qu’offre ce que nous appelons un univers. Le hasard premier ou plutôt la contingence principielle est la capacité de l’Un de se démultiplier au sein de lui-même. Cependant en s’incarnant sous la forme humaine, en s’apercevant potentiellement en l’homme sous la forme d’un idéal, l’Un s’est réalisé potentiellement comme finalité évolutive par excellence. Il appartient à l’Un en l’homme, à ce mouvement d’individualisation en lui d’entrer dans une évolution consciente de la conscience de l’Un. Cet idéal de l’Un en l’homme, c’est-à-dire cette entrée dans un mouvement d’individualisation consciente de la conscience de l’Un est proprement un chemin de divinisation et donc d’acquisition de la liberté absolue dont l’essence est l’amour.
Plutôt que de parler de nous en tant que conscience de l'intention ou du Télos qui suscita le Big Bang, ce qui nous semble fort prétentieux du point de vue de notre ignorance mentale et de la réalité du mal, la spéculation précèdente nous invite à considérer spirituellement en premier lieu en quoi nous sommes, en notre authenticité individuelle la plus pure, le Suprême conscient de lui-même partiellement.
Cette spéculation mentale permet de poser des questions aux point de vue matérialistes athées mais elle explique ausi pourquoi le point de vue du hasard et de lanécessité est indépassable pour une créature finie ignorante de sa liberté absolue intérieure. Cette spéculation ne prouve donc rien mais elle suggère et elle exhorte à apprendre à aimer authentiquement, à chercher en soi-même ce qui rapprocherait de ce point d'être qui serait le Suprême conscient de lui-même partiellement afin d'entrer dans une évolution consciente de la conscience plus authentique. Elle explique en quoi la conscience mentale ne permet pas authentiquement une évolution consciente de la conscience contrairement à ce que laissent penser Andrew Cohen, Ken Wilber et leurs suiveurs. Du point de vue de la conscience mentale il ne peut y avoir qu'une opposition entre interprétations matérialistes athées et matérialistes spiritualistes. La conscience mentale est définitivement limitée : seule une foi authentique, qui serait un moyen spirituel, parmi d'autres , de nous rapprocher d'un sens psychique de de point d'être du Suprême conscient de lui-même partiellement, peut être renforcée par nos spéculations mentales.

Notre spéculation métaphysique concilie reconnaissance de la finitude de la conscience mentale humaine et liberté absolue.
La vraie question spirituelle qui se pose aussi à un athée sincère est : comment échapper aux dangers de la négation de la finitude de la conscience mentale ?
N’est-ce pas au fond un visage défiguré de l’amour qui se poursuit à travers les négations illusoires de notre finitude ?
L’amour serait donc le mouvement d’unification et d’individualisation du multiple vers l’Un et le mouvement de l’Un vers le multiple mais aussi ce qui entraîne les pires destructions quand il se déforme dans la vie humaine. La souveraineté politique en convoitant la liberté absolue le fait au profit d’un seul et/ou au mépris de chacun : la convoitise de la liberté absolue d’abord pour soi est un amour défiguré.
Seule une société qui serait autant individualiste que solidaire c’est-à-dire parfaitement anarchiste incarnerait la liberté absolue de L’Un.
La souveraineté technoscientifique est mythique car le divers du multiple ne peut pas être réduit à une formule. Une liberté absolue présupposerait une conscience intime de l’un et du multiple dans tous les aspects sa procession et son ascension et pas seulement des ébauches d’intuition créatrices ou des sentiments d’auto-détermination. La souveraineté technoscientifique est peut-être inconsistante car au fond la technoscience développe insuffisamment d’amour sur le plan de la conscience subjective qui serait la condition nécessaire d’une connaissance par identité de l’Un et du multiple.
L’amour de la connaissance reste un piètre amour et donc une figure amoindrie de la liberté absolue tant qu’il ne transforme pas la qualité subjective du connaisseur sur tous ses plans. Autrement dit, l'amour de la connaissance ne doit-il pas nous porter à nous interroger sur les limites inhérentes à la connaissance mentale ? Allié à la foi, aux pratiques spirituelles les plus diverses et en tout cas les plus adaptées à notre individualité, notre amour de la connaissance ne doit-il pas renoncer à s'exercer au service d'une forteresse mentale défendant un point de vue qui reste prisonnier de la conscience mentale ?

Du point de vue de notre spéculation métaphysique, comment expliquer notre ignorance puisqu’au fond nous serions des reflets multiples de l’Un ?
Hans Jonas dans Evolution et liberté parlant du « parallélisme psychophysique de Spinoza » affirme « son échec devant la rareté cosmique de l’esprit ». Notre spéculation affirme le contraire d’une rareté cosmique de l’esprit dès lors qu'on envisage un dépassement de la conscience mentale. Hans Jonas cependant affirme « la faiblesse de toute métaphysique de la réussite [comme] une méconnaissance de l’audace divine dans la Création ». Il cite Etty Hillesum gazée à Auschwitz en 1943 :
« Oui, mon Dieu, tu ne sembles pas pouvoir changer beaucoup les circonstances... Je n’exige aucun compte de toi, c’est toi qui plus tard nous demanderas des comptes. Et presque à chaque battement de coeur, je vois plus clairement que tu ne peux nous aider, mais que c’est nous qui devons t’aider, c’est nous qui jusqu’au dernier devons défendre ta demeure au-dedans de nous. »
Tout d’abord si Hans Jonas admet ce qui lui semble une rareté de l’Esprit dans l’univers, il lui semble inévitable de reconnaître une forme d’Eros servant d’impulsion évolutive au cœur de la matière. Cette rareté de l’Esprit dont il parle provient d’un regard sur l’univers éduqué par la science issue de la conscience mentale. Et cet Eros, cette impulsion évolutive est ce qu’il discerne intellectuellement à partir d’un regard éduqué par la science. Si quelqu’un discernait cet Eros non pas intellectuellement mais dans le mouvement même de l’évolution de sa propre conscience, ne verrait-il pas là bien plus qu’un élan vital, qu’une impulsion créatrice ? Ne serait-ce pas l’amour de l’Un pour lui-même qu’il commencerait à discerner en toute chose ? Au lieu de regarder un morceau de fer comme un objet quantifiable qui par on ne sait hasard peut participer sous une autre forme à la vie, ne pouvons-nous pas ressentir à son toucher comme une vibration modifiant de notre champ de conscience de même qu’un autre rencontré modifie la teneur du champ de conscience où nous nous tenons ? Ce n’est donc pas plus tard que nous aurons des comptes à rendre, contrairement à ce que laisse penser Etty Hillesum, ce serait se surestimer encore. Car au fond si le fer et donc la matière s’inscrivent eux-aussi dans le champ de conscience de l’univers appelés à servir et prolonger nos plans de conscience où l’individualisation est plus prononcée, sommes-nous assuré d’être le sommet de l’univers ?
Satprem (Bernard Enginger), un disciple du philosophe indien Aurobindo a connu lui aussi l’expérience des camps de concentration. Dans Sept jours en Inde, il explique à Frédéric de Towarnicki ce que cette « expérience » lui a apporté :
« Mais enfin, tout cela a brisé... m’a brisé, m’a nettoyé merveilleusement - affreusement, mais merveilleusement. Parce que j’aurais mis combien d’années à me dépouiller de tout ce revêtement social, familial, intellectuel, culturel, tout ce qu’on m’avait mis sur le dos pendant vingt ans ? Vingt ans d’éducation occidentale. Eh bien, tout ce qu’on m’avait mis sur le dos a été brisé, moi y compris (ce que je croyais être moi). C’était une espèce de néant. Surtout ça : ce que je croyais être moi. Je croyais que c’était beaucoup de musique, de la poésie, de ceci de cela, et puis tout cela, c’était cassé. Cassé devant une espèce de substance humaine qui tout d’un coup découvrait la mort, la peur, l’horrible chose humaine, et qui se disait : mais quoi, quoi, quoi, qu’est-ce... ? N’est-ce pas, à ce moment de l’existence, il n’y aplus de barrières entre l’homme qui fait mal et celui qui le subit. Il n’y a pas l’homme de la Gestapo et la victime de la Gestapo, ou les SS et le prisonnier : il y a une espèce d’horreur dans laquelle on est. Il n’y a pas d’AUTRES, n’est-ce pas. On est totalement dans l’horreur. L’horreur, ce ne sont pas les autres : on est dedans.
Alors, ça a été... ça a brisé d’une façon si... si radicale tout ce que je pouvais être, ou tout ce que je croyais être, que tout d’un coup j’ai été précipité dans... mais dans la seule chose qui restait : dans ma peau. Oui, tout d’un coup, ça a fait une joie extraordinaire. Tout d’un coup, j’ai été au-dessus de tout ça, je dirais presque « riant ». Comme si, tout d’un coup, de cette dévastation, j’émergeais dans un lieu qui était... qui était « royal ». Je n’étais plus prisonnier ; je n’étais plus attaqué ; je n’étais plus... »
Satprem témoigne d’une autre interprétation possible des camps de concentration. Elle ne rend pas obsolète celle de Hans Jonas qui s’appuie tout de même sur « l’expérience » d’Etty Hillesum mais elle la transcende. Les camps de concentrations ne traduisent pas seulement le fait que l’évolution se joue dans l’aventure humaine et que l’homme en est responsable en tant que lui seul peut porter le projet divin. Pour Satprem, ils traduisent le fait que l’amour qui anime le mouvement évolutif, s’il n’est pas rendu conscient, se cherche de façon défigurée malgré l’homme et par son mal même. L’homme qui pourrait être le héros d’une évolution consciente de la conscience lorsqu’il se détourne de sa vocation n’en continue pas moins à servir l’élan d’amour mais de manière défigurée telle que des circonstances arrachent alors le besoin d’une autre manière d’être, le besoin de regarder son humanité comme un néant qu’il s’agit de dépasser.
Concentrés que nous sommes sur notre humanité et nos soucis d’êtres humains, notre amour se défigure, nous manquons l’opportunité de faire un pas vers notre liberté absolue. Mais comme nous n’en sommes pas moins une tentative d’individualisation matérielle de l’Un et de la liberté absolue, celle-ci continue à rester active dans le jeu universel des interactions humaines. Des conditions d’étouffement sont donc en train de se créer parce que au fond nous aimons le drame, notre humanité dramatise elle-même sa situation préférant plutôt périr que laisser le sommet de la création à une forme de conscience plus élaborée. Et heureusement dans ces conditions d’étouffements l’amour de la vie l’emporte sur l’amour anthropocentrique de notre humanité bestiale la vraie vocation de l’homme commence alors à se retrouver : « l’homme est un être de transition » dans le mouvement évolutif où le divin se démultiplie en lui-même.
Nos spéculations sur une liberté absolue nous amènent d’abord à admettre notre finitude. L’infantilisme humain qui prétend à une liberté absolue sous la forme de la conscience mentale aboutit aux pires tyrannies ou aux catastrophes de notre technoscience prométhéenne. Suivre nos désirs prisonniers de la conscience mentale n’est en aucune façon la réalisation d’une liberté absolue. Ce qui nous sépare d’un sens vrai de la liberté absolue est le caractère ignorant de nos amours. Pour s’approcher d’une liberté absolue, il nous faut un amour vrai qui nous permette de retrouver notre Moi unique sous notre petit moi, notre Moi unique derrière tous ceux qui sont rencontrés et même derrière les choses matérielles qui se manifestent comme notre univers.

A quelle condition serions-nous conscients de l'intention ou du Télos présidant au Big Bang ?

Si vraiment j'étais la conscience même de ce Télos qui manifesta le Big Bang, ne pourrais-je pas manipuler la matière en mon sein comme je manipule les pensées et les émotions ? A vrai dire cette prétention montre que celui qui l'a est fort loin encore d'avoir atteint la plus authentique conscience directe des pensées qui circulent dans la conscience universelle d'un individu à l'autre. Car celui qui entrevoit cette possibilité sait qu'il est loin d'être la conscience universelle de l'univers et donc y compris du Big Bang.


(on peut cliquer sur le schéma pour le voir nettement)


Ce schéma s'inspire de l'enseignement de Sri Aurobindo. Il distingue une manifestation individuelle et une manifestation universelle comme le fait Ken Wilber et ceux qu'ils inspirent. Mais tout d'abord les individualisations physiques, vitales ou mentales ne sont pas confondues avec le principe d'individualisation divine qu'est l'étincelle de l'âme, le Suprême conscient de lui-même partiellement, et la croissance psychique qu'il engendre à travers l'aventure de l'évolution cosmique : cette distinction n'est pas faite par Ken Wilber dans son fameux Quadrant et son absence conduit Andrew Cohen à juger impersonnel le Télos alors que si la distinction est faite on sait qu'il est paradoxalement intimement personnel et impersonnel. Ensuite contrairement à Ken Wilber ou Andrew Cohen, une conscience radicalement au-delà de la conscience mentale est supposée par ce schéma inspiré de Sri AUrobindo. Et ce serait une telle conscience radicalement au-delà de la conscience mentale qui aurait manifesté le Big Bang. L'évolution aurait commencé par une manifestation d'une réalité involuée dans un point d'énergie-espace-temps. L'élan de montée donnée par la conscience supramentale à cette réalité involuée rencontrerait un mouvement de descentes de plans de conscience en dernier ressort commandé par un élan de descente supramental.
Autrement dit, en son commencement, le Télos évolutif comporte comme un Eros ascendant, une aspiration du manifesté à une évolution et aussi comme un Agapè descendant, une conscience force au service de la manifestation. La description de ce Télos devrait aussi inclure une troisième dimension un besoin d'être psychique croissant de l'étincelle de l'âme.

Ainsi dans l'évolution ce seraient des plans involués dans l'énergie-espace-temps primordial qui se manifesteraient en montée à cause de plans de conscience immatériel descendant pour se matérialiser. Par exemple, quand le plan physique des atomes et des forces les régissant a été installé, le plan vital de la conscience aurait susciter dans son mouvement de hasard et de nécessité d'une part les systèmes planétaires et d'autre part les cristallisations moléculaires en vue de la biosphère et du cellulaire. Complexification et auto-organisation seraient en fait le premier pas de la conscience vitale involuée au sein de la préconscience physique.

La conscience vitale inférieure s'incarne en tant que pluricellaires et écosystèmes. Elle a plus de conscience que la préconscience physique mais elle ne permet pas de révéler plus de conscience au sein de la matière. Elle ne perçoit guère le Télos supramental même si déjà la descente mentale commence et si l'ascension vers elle commence à former un système nerveux centralisé.

Les flux descendants de conscience force intuitifs voire surmentaux ne sont pas la clé du processus de l'évolution, ce ne sont pas la conscience du Télos supramental. Ils s'inscrivent encore au final dans le cercle mental et dans l'histoire les sages, les saints, les artistes, les scientifiques et même les prophètes qui ont manifesté ces flux n'ont guère changé en profondeur le destin de l'humanité. Que se serait-il passé si les nazis avaient disposé de la bombe atomique ? Et aujourd'hui que se passerait-il si certains groupes terroristes disposaient de cette arme ?
A vrai dire ce type de danger idéologique n'est peut-être pas le plus menaçant pour nous, car au fond il profite des failles d'une économie globalement inhumaine dont les produits manufacturés les plus vendus restent les drogues, les armes et les dérivés du pétrole. Cette économie pollue en amont de sa production et de plus en plus en aval ceux qui consomment sa production. La recherche du profit risque de produire plus de morts que toutes les idéologies religieuses et politiques proprement dites... C'est l'âge de l'inquisiteur et du dictateur généralisé...
Ainsi toute l'évolution des mentalités n'est peut-être que l'épuisement aveugle du cercle mental et ne témoigne guère d'un progrès pour qui simplement observe ce siècle commençant et le précédent. Un âge spirituel et une évolution consciente de la conscience ne sera pas essentiellement une conscience mentale de l'évolution de la conscience mais une authentique conscience psychique (le Suprême conscient partiellement) de l'évolution universelle de la conscience au-delà des frontières du cercle mental.


Notre schéma de l'évolution des mentalités montre un Eros ascendant et un Agapè descendant. Mais si on regarde attentivement le schéma plus global qui précède celui-ci, il suggère que si l'aspiration (Eros) et la manifestation (Agapè) sont supramentales alors il ne sera plus possible de les distinguer : ce serait comme une transfomation du dedans, nous dit L'Agenda de Mère en 1969.

Dans notre hypothèse une conscience supramentale se tiendrait en arrière plan au sommet et à la base de la manifestation. Les étincelles d'individualité ayant grandi psychiquement à travers les divers plans de conscience s'universaliseraient authentiquement en tant que conscience supramentale de la matière : elles se manifesteraient dans un être individuel tout en englobant dans leur conscience l'univers sur tous ses plans de conscience. Une telle conscience, la Conscience Suprême manifestée matériellement pourrait alors légitimement prétendre avoir quinze milliards d'années. Se prétendre en tant qu'être humain dotée d'une conscience mentale vaguement spiritualisée, vaguement psychisée avoir quinze milliards d'année revient selon nous à s'abuser et à se fermer à un saut évolutif supramental éventuel qui seul manifesterait une Conscience Suprême incarnée.