samedi 20 décembre 2008

L'AXE DU MONDE QUI RELIE L'INDIVIDUALISATION ET L'EVOLUTION. A propos du Saint Jean Baptiste de Léonard de Vinci.

Je voudrais revenir sur ce tableau de Léonard de Vinci qui montre Jean Baptiste. Celui-ci pointe son torse et le ciel où à l'époque on situe naïvement Dieu selon notre point de vue moderne.

Toutefois son sourire et son regard, s'ils se communiquent à nous, commencent à nous découvrir un champ de conscience commun. Il n'y a pas notre conscience derrière notre visage face à son visage derrière lequel il y aurait sa conscience.

Regardons du côté de celui qui regarde :

Y a-t-il un visage visible derrière le quel il y aurait de la conscience enfermée ? Notre regard est-il enfermé derrière deux globes de chair qu'on appelle les yeux ? Certes on peut toucher ces yeux, mais notre regard n'est-il pas directement plongé dans le champ de vision ? Comme le dit Wittgenstein dans le Tractatus Logico-philosophicus :

"5.632 Le sujet n'appartient pas au monde, mais il constitue une limite du monde.

5.633 - Où dans le monde remarquerait-on un sujet métaphysique ?
Vous dites que le rapport est ici tout semblable à celui de l'œil et du champ de vision. Mais vous ne voyez réellement pas l'œil.
Et rien dans le champ de vision ne permet de conclure qu'il est vu par un œil."

Si on admet que notre champ de conscience n'est pas enfermé en nous mais qu'il se prolonge à tout notre environnement et qu'il communique avec celui d'autrui, imitons le Jean Baptiste de Léonard de Vinci et voyons ce qu'il a à nous apprendre de notre champ de conscience.

Il devient évident que Jean le Jean-Baptiste de Léonard de Vinci nous pointe le bas du champ de conscience visuel et son sommet.

Léonard de Vinci a-t-il pu suggéré cela inconsciemment ou cela était-il assez conscient pour lui ? Voici quelques citations de lui sur ce sujet :




Creusons donc la réalité de cet œil qui comprend au-delà de notre regard personnel, le champ du visible au sujet de ce que Wittgenstein suggère comme le bord du monde : 


Le sujet que nous sommes se tient à l'évidence au bord du monde. Et on peut situer ce bord du monde au sujet du champ visuel comme ci-dessus. 

Rien ne nous permet de prétendre qu'il y a deux champs de conscience quand nous sommes face à autrui mais ce bord du monde en bas unit ce champ de conscience à un corps, à une orientation sur le monde.

Le doigt sur le torse vise donc ce qui dans la conscience l'individualise, la met en perspective, en point de vue insubstituable et personnel.

La tradition verrait là le cœur, le lieu où le plus universel, la conscience s'entrecroise avec le plus singulier, la personne.

Nous reste à comprendre le pointer du doigt vers le haut. Est-ce que ce doigt pointe Dieu qui habite dans le ciel au-dessus du cosmos ?

Si je mets une casquette, je constate que ce doigt vers le haut pointe cet endroit où le revers de la casquette disparaît dans le champ de conscience invisible, non manifesté.


Si je mets une casquette et qu'au lieu de regarder en bas je regarde le ciel, j'ai alors une drôle de révélation lorsque je pointe vers le haut : les plus hautes hauteurs que je pourrais voir sont sous ma casquette. Comme le dit un maître zen, "lorsque je mets mon chapeau, je coiffe l'univers."

Remettons-nous en face du Jean-Baptiste de Léonard de Vinci avec notre casquette :


Le plus haut coïncide étrangement alors avec ce qui est au-dessus de notre tête. La main qui pointe vers le haut se tient nettement au dessus de ce que nous nous représentons comme notre crâne : la sensation interne de la main se situe plus haut que celle du crâne. Mais notre sensation de crâne, où se tient-elle ? Ne se prolonge-t-elle pas au-dessus de tout l'espace visible et donc au-dessus de la main visible ? Il y a là vers le haut un vertige de la représentation mentale si nous prenons au sérieux l'intériorité de notre conscience et que nous ne l'enfermons plus dans un corps lui-même situé dans une pièce face à un tableau...

Mettons-nous à plusieurs et pointons le très haut de la conscience. Le très haut visible est encore marqué par un point de vue individuel :

Dans cette pièce, la vision de ce qui est en haut du point de vue visible est celle du plafonnier qui l'éclaire. Chacun le voit de son point de vue. Mais songeons à cet au-dessus du crâne invisible : tout le monde ne vise-t-il pas alors ce même point ? N'y a-t-il pas alors dans la conscience une dimension universelle qui transcende notre individualisation ?
Si par analogie nous imaginons la bulle de conscience qui se déploie du point de vue de l'autre, ne retrouvons-nous pas un même Très-Haut de la conscience.

Si je ferme les yeux et que je place ma tête dans toutes les directions, dans mes oreilles il y a même l'indication de cet axe en bas duquel je m'individualise et en haut duquel je m'universalise. Cet axe unit la terre et ce très-bas que je suis plongé vers le temps avec le ciel et ce très haut que je découvre Être éternel, immobile et moteur du monde.

Dans l'antiquité, n'avait-on pas une telle conception ? Le stoïcien qui affirme être une âme individualisée du tout, du corps intelligent de l'univers entouré d'un vide, n'a-t-il pas une telle vision ?



Et le corps subtil que le yoga nous découvre comme faisant le lien entre la terre et le ciel au sein de l'individu ne s'éclaire-t-il pas un mieux dès lors ?



Traduisons ce schéma traditionnel dans notre vision interne :


Cet axe qui unit la terre et le ciel se déploie alors dans le corps et aussi dans la transparence de l'espace de conscience. Ce champ de conscience pointe un supraconscient au-dessus de notre tête et aussi un subconscient au tréfonds de notre corps.

Le supraconscient est immédiatement Un mais il demeure en grande partie inconscient puisque s'il l'était pleinement ne commencerions-nous pas à pénétrer intimement les autres processus d'individualisations autour de nous ? Découvrant cette vision intérieure, nous pouvons dès maintenant y accueillir pleinement les autres et les servir dans leur processus d'incarnation du ciel sur la terre. Mais le chemin spirituel sera long avant de vraiment nous axer sur le processus d'individualisation universel, l'UN-dividualisation. Et bien sûr cet UN se tient certainement au cœur de la matière et de son évolution : le subconscient est un vaste continent qui nous reste à explorer en tant qu'UN-dividualistion consciente de soi partiellement.

L'éveil à l'évolution consciente de la consciente nous semble immédiat à condition de bien vouloir regarder ce qui est le plus près de nous au Très-Haut et au Très-Bas de l'espace de conscience visible. Mais le maintenir, afin qu'il se concentre de plus en plus en unissant de façon de plus en plus consciente au cœur du dedans ce qui était jusque là supraconscient et subconscient, est un projet d'une autre stature. La vie certainement y conduit infailliblement mais de manière inconsciente pour la plupart et au prix de souffrances incompréhensibles.

dimanche 14 décembre 2008

VERTIGE DU SAUT EVOLUTIF. MESSAGE AU MOUVEMENT INTEGRAL.

LE SAUT EVOLUTIF RADICAL DU YOGA INTEGRAL FACE AU MOUVEMENT INTEGRAL


Dans le mouvement intégral version Ken Wilber, Steve Macintosh, Andrew Cohen, Erwin Laszlo et leaders frenchies, il y a quelque chose qui reste étranger au yoga intégral. Il y a dans le yoga intégral proposé par Sri Aurobindo, Mère et Satprem un saut vertigineux : il faut accepter qu'il n'y aura pas de solution mentale à la crise évolutive.

Il est indéniable que des solutions mentales, qu'on évoque çà et là, soient des pansements nécessaires mais ce sont au mieux des petites adaptions et variations évolutives surmentales préparatoires au vrai saut évolutif en cours.

Mes mots, mes essais de philosophie sur internet d'ailleurs ne font partie que de cette phase préparatoire au vrai saut évolutif.

Bien sûr les efforts du mouvement intégral ou de ceux qui mènent un yoga intégral permettront certainement d'amoindrir le choc, ils prédisposeront à une évolution consciente de la conscience mais ils ne seront jamais au coeur de l'évolution consciente de la conscience.


Si le diagnostic exprimé dans la pensée par ceux qui ont mené un yoga intégral est bon, alors l'objet du saut évolutif en cours est le dépassement de la conscience mentale et surmentale qui dans le monde manifesté avaient été jusqu'à présent au coeur de l'évolution depuis le jurassique et la fin des dinosaures.

La clé ne se situerait plus désormais au niveau mental et donc dans une conscience intégrale où des expériences spirituelles de conscience surmentale ou non-mentale éclairent et s'éclairent dans un contexte culturel d'interprétations mentales. Si l'on y réfléchit bien, le mouvement intégral ainsi compris s'interdirait la possibilité d'envisager une conscience transcendant complétement la conscience mentale et ses expansions surmentales malgré ses affirmations contraires. Ken Wilber soutenu entre autre par Andrew Cohen lie expérience de la conscience et interprétation de cette expérience. Il rend indissociable ces deux composantes. Or c'est rendre l'évolution de la conscience limitée au stade mental. Le sens des fonctionnements d'une conscience supérieure change la nature et les sens des fonctionnements inférieurs qui la sous-tendent, nous dit cette pensée intégrale. Mais pourquoi le saut évolutif ne serait-il pas inscrit au plus profond de la matière subconsciente ? N'est-ce pas plutôt de ce côté que s'est joué l'évolution de l'univers ?

Le mouvement intégral s'il veut faire face à la crise évolutive en cours ne doit pas se contenter de penser qu'une évolution culturelle est en jeu. Une évolution culturelle peut rester prisonnière du cercle mental et des limites biologiques de notre espèce que la crise évolutive en cours pointe.

Le yoga intégral de Sri Aurobindo nous met au défi d'aller éclairer le subconscient, de le rendre conscient en se livrant corps et âme au Supraconscient. Il ne s'agit pas de s'arrêter au reflet subconscient de notre ego comme le font encore les psychologies contemporaines pour la plupart, au lieu de simplement considérer notre ombre personnelle, il s'agit de faire face au subconscient universel inscrit dans nos cellules, dans notre manière d'être incarné dans la matière à travers les niveaux mental, vital et sensorimoteur de la conscience.

Le mouvement intégral envisage bien un supraconscient mais s'il suit seulement l'horizon de Wilber, il n'envisage guère que celui-ci puisse modifier le fonctionnement même de notre subconscient matériel. L'évolution consciente de la conscience ne consiste pas seulement à se tenir à distance de l'ignorance matérielle en trouvant une harmonie collective humaine supraconsciente. Cette harmonie est-elle possible si des possibilités évolutives sont jugées inintéressantes ou déplacées? Une évolution consciente de la consciente atteindra une conscience cosmique intégrale quand la matière sera vécue en tant que conscience divine.
Le yogi intégral analysant son expérience à l'aide de Sri Aurobindo et Mère sait combien la spiritualisation de sa fragile expérience psychique est difficile car il a un sens rigoureux de ce qu'on peut appeler une conscience cosmique. Il reconnaît être extrêmement loin derrière ses prédécesseurs au lieu de se proclamer devant sans vouloir comprendre au moins la possibilité évolutive qu'ils disent expérimenter.


CRITIQUE DE LA CONCEPTION INTEGRALISTE DE L'EVOLUTION HUMAINE.



Il y a là un vertige que les spirales et les quadrants des wilberiens manquent car ils donnent ce qui précède comme devant être inclu par ce qui transcende et parce qu'ils considèrent qu'une expérience spirituelle est l'envers d'une vie organique, d'une réalité matérielle. Le quadrant met d'un côté la conscience et de l'autre la matière or Sri Aurobindo et Mère témoignent d'un amincissement de ce parallélisme dans leur expérience. Ils envisagent une connaissance par identité de la matière. Toute la conscience qui forme la réalité de la matière pourrait être connue par identité au sens où cette conscience de la matière jusqu'à présent cachée ou épisodique deviendrait aussi claire qu'une pensée pour un méditant aguerri capable de maîtriser.

Une authentique évolution consciente de la conscience peut-elle se permettre d'intégrer de l'inconscient et de l'ignorance ? Si nous suivons le raisonnement de Ken Wilber qui pense que les structures matérielles permettant en leur intérieur plus de conscience intègre les structures matérielles moins développé, la réponse serait éventuellement positive. A vrai dire, tout progrès évolutif dans le domaine mental a toujours entraîné l'ignorance d'une ignorance qui repérée a toujours contraint le mental à progresser. Mais ce progrès ne révèle-t-il pas au final un cercle ? Nos capacités d'expression et de communication des vérités non mentales ont progressé par la diversification des types d'organisation mentale mais est-ce là une évolution ? Ces progrès ne sont-ils pas juste une exploration du plan mental, un élargissement de son usage jusqu'à sa limite ?

La lecture de Savitri de Sri Aurobindo si l'on veut considérer le yoga intégral en dehors des limites spirituelles de l'interprétation Wilbérienne semble aussi enrichissante spirituellement sinon plus que la lecture de La vie divine. Le langage symbolique de la poèsie traduit aussi bien sinon mieux l'exploration spirituelle que le langage rationnel et analytique philosophique. Dans le mouvement intégral qui suit l'approche de Wilber, malheureusement, on vous suggérera souvent le contraire : la philosophie est plus profonde que la poèsie puisque la conscience rationnelle est plus évoluée que la conscience symbolique animiste ou préhistorique. Dans cette conception évolutive, la conscience mythologique serait un intermédiaire entre conscience symbolique et conscience rationnelle. Selon le yoga intégral et une certaine représentation historique de la période axiale où les présocratiques, Bouddha, Shankara, Lao Tseu ou Tchouang Tseu furent des penseurs caractéristiques, la conscience rationnelle a germé face à une crise de la conscience symbolique la plus élevée trahie à l'évidence par la conscience mythologique sensée l'expliciter aux moins évolués socialement. Mais rapidement la conscience rationnelle au lieu d'être la servante de la conscience mentale symbolique la plus raffinée en est devenue l'adversaire. La rationalité moderne s'est prévalue de son univocité contre l'ambiguïté symbolique irrationnelle. La rationalité postmoderne a redonné ses lettres de noblesse à la conscience mentale mythologique et symbolique contre la rationalité moderne mais en s'interdisant de hiérarchiser les niveaux de conscience dont émanent ces diverses manières d'exprimer la conscience mentale. Le Wilbérien estime que ce  point de vue est inhérent au relativisme postmoderne. Un intégraliste sensible au point de vue de Sri Aurobindo défendra le point de vue postmoderne en le clarifiant par l'idée qu'il y a eu exploration du cercle mental et non pas saut évolutif sur un plan de conscience réellement surplombant.
Selon nous, certains discours à dominantes rationnelles sont moins profonds que certains discours mythologiques : tel passage de La Bible a tout de même plus de portée que De l'inégalité des races humaines de Gobineau que les connaissances de l'époque en matière d'évolution ne pouvaient pas faire passer pour irrationnel. Le défenseur de la spirale Wilbérienne a beau évoquer des dégénérescences, il n'explique pas pourquoi la rationalité a pu promouvoir une vision eugéniste qui a abouti à l'une des pires catastrophes sociales et politiques du XXème siècle : génocide mais aussi campagne de stérilisation dans des pays comme les USA, la Norvège, la Suisse, le Danemark, la Suède, etc. Certes il y avait bien chez Gobineau une nostalgie d'un temps passé, d'un ordre des castes comme en Inde empêchant les mélanges des races mais cette nostalgie se  présentait là aussi avec une parure rationnelle d'une histoire objective.


Le véritable enjeu à travers les âges est pour la conscience et donc le divin de trouver une expression satisfaisante dans notre univers. Ce propos semble concilier les diverses tendances du mouvement intégral.
Mais on peut voir l'évolution de la conscience dans une direction autre que celle de Wilber.
Il convient de constater que les expressions mentales furent plus ou moins adaptées en vue de résoudre des problématiques humaines de plus en plus subconscientes et de moins en moins axées vers des refuges supraconscients qui proposaient d'y échapper. On reconnaît encore ici un point d'accord avec Wilber ou Andrew Cohen.
La pensée symbolique est attachée à une langue donnée et elle peut difficilement résoudre les problèmes que posent les rencontres interculturelles. La raison est beaucoup plus universelle et en cela facilite la résolution de problème interculturels par exemple. Là encore ce point de vue qui se déduit des considérations de Sri Aurobindo autour de l'idéal de l'unité humaine ne semble pas contrevenir à celui de Wilber.

Mais considérons un autre point de vue. L'égo disposant de la seule pensée symbolique face à la nature reconnaissait immédiatement une dimension spirituelle car c'était l'inspiration d'en haut d'où lui venait les idées des moyens techniques, des principes d'organisations sociales, etc. Le besoin de connaître n'avait pas encore séparé une science de la validité objective et une sagesse de qualité subjective. Une pensée rationnelle avec ses techniques ne nous donnait pas l'impression d'un seul plan de conscience.

Jusqu'où cette lumière inhérente à la pensée symbolique se questionnant a-telle pu aller ? Les connaissances chamaniques des plantes sont aujourd'hui reconnues.
Le virage néolithique a été aussi un virage spirituel : peut-on affirmer la prééminence d'une avancée spirituelle sur l'avancée technologique ou réciproquement ? Des éléments archéologiques semblent accréditer une transformation spirituelle précédant l'avancée technologique produisant la révolution néolithique. Ensuite le passage de l'horticulture à notre agriculture a mis en place une organisation hiérarchique. Qui sait si localement cette hiérarchie n'a pas été pleinement une holarchie spirituelle ouverte ? C'est la thèse de Sri Aurobindo le découvreur du yoga intégral à propos de la civilisation des Védas. Chacun aurait eu une égale dignité spirituelle même si il n'avait pas le même type de fonction. A vrai dire il n'y pas de sommet de la pyramide sans une base large et solide. Si l'on valorise la base de la pyramide on peut utiliser le symbole de l'étoile à 6 branches :


Ici nous avons donc deux points de désaccords fondamentaux avec le mouvement intégral gravitant autour de Wilber :
- l'organisation holarchique n'est pas la suite logique de l'organisation démocratique mais celle qui précède la dégénérescence hiérarchique;
- il n'y a pas forcément une ascension évolutive, on peut considérer une ascension atteignant une apogée suivie du début de la crise de la conscience mentale dans laquelle nous serions au plus fort malgré des réponses spirituelles qui se sont fait jour à chaque nouvelle dégradation.

L'holarchie quand elle devient traditionnelle se transforme en système de castes hiérarchiques. Le conservatisme lié à une sagesse mentale risque de se fermer à l'intuition.

La descente du spirituel ne se retrouve-t-elle pas alors dans la force de la pensée intuitive de nos présocratiques, de nos socratiques, de nos Upanishad, du Bouddhisme, des Tchouang Tseu et Lao Tseu ou même des derniers grands inspirateurs du monothéisme face à la montée de ce qu'ils estiment l'âge de fer, les derniers temps ? On va rationaliser et techniciser les chemins pour obtenir une expérience intuitive.

L'égo épris de forces vitales trouvait intolérable des spiritualités rejetant ces forces. Il n'avait plus face à lui le mouvement même d'apport spirituel antérieur au néolithique puisque les techniques essentielles étaient inventées, il pouvait plutôt ressentir la pensée dominante comme un conservatisme lui interdisant d'exprimer sa force vitale. Il est parti à la conquête de Royaume et d'Empire : il a développé une intelligence de l'assimilation religieuse et au pire de sa logique de domination l'intolérance religieuse. Les grands mythes tels ceux de la culture gréco-romaine ou ceux de la Bible agrègaient des pensées symboliques de diverses provenances. Un certain héroïsme avait été nécessaire mais ici l'héroïsme est purement vital et non plus surmental. Quand le héros féodal se spiritualise il est un dévôt, un amoureux fanatique de Dieu. Il s'agit dès lors moins d'échapper à ce monde par l'intuition surmentale que de bien apercevoir une intuition spirituelle au niveau vital.

Les admirateurs des penseurs de l'âge axial en Occident vont reprendre le dessus sur les guerriers féodaux à l'aide de la raison. Le travailleur rationnel sera plus puissant vitalement que le guerrier. L'industrie fait les victoires militaires. En notre siècle, la concurrence économique remplace de plus en plus les soubresauts terribles de la vitalité guerrière. Le moderne rejette le fanatisme vital mais sa pulsion individuelle et collective d'appropriation crée des conflits plus terribles où tous les membres de la société sont jetés.

Le postmoderne des années 60 va relativiser le travail et toute forme de sacrifice de soi au profit de la jouissance.

Mais en lui le désir de consommer l'emporte. Il va vouloir gagner sa vie financièrement, son travail qu'il met au service de l'avoir, de la consommation le rend complice cynique du moderne. Le postmoderne ayant soumis la famille à la jouissance sexuelle rejette la morale familiale prémoderne et moderne. Au final le jouisseur postmoderne aura poussé le déséquilibre jusqu'au plan le plus matériel.
Le chaos n'est pas seulement social et mental, le combat pour beaucoup ces dernières années s'est situé sur le plan psychologique personnel, transpersonnel et maintenant intégral mais bientôt il va se situer et se situera au niveau du corps lui-même. Le yoga intégral de Sri Aurobindo dont l'expression la plus complète se trouve dans Savitri et que l'Agenda de Mère prolonge trouveront alors toute leur pertinence.