jeudi 23 septembre 2010

EXPERIENCES ET REALISATIONS DE CONSCIENCE AVEC SRI AUROBINDO ET MERE.

Un chemin d’expériences et de réalisations de conscience
avec Sri Aurobindo et Mère.
Un chemin sans but jalonné de victoires.
Le yoga intégral de Sri Aurobindo et de Mère poursuit certaines réalisations de conscience. Dans La voie ensoleillée, on peut lire p.120 une description par Mère des principales réalisations de conscience recherchées :
« Les trois victoires
La première victoire est de créer une individualité. Et puis après, la seconde victoire, c'est de donner cette individualité au Divin. Et la troisième victoire, c'est que le Divin change votre individualité en un être divin. […] Généralement, tous les yogas s'arrêtaient à la seconde. Quand on était arrivé à soumettre l'individu et à le donner sans réserve au Divin pour s'identifier à Lui, on considérait que son travail était fini, que tout était accompli. Mais nous, nous commençons là, et nous disons: "Non, c'est seulement un commencement. Nous voulons que ce Divin auquel nous nous sommes identifiés, entre dans notre individualité et en fasse une personnalité divine agissant dans un monde divin. Et ça, c'est ce que nous appelons la transformation.»
Mais l’aspiration à ces victoires n’empêche pas le yoga intégral de demeurer un chemin sans but. Il s’agit toujours et avant tout d’une aventure de la conscience : personne ne sait précisément comment ces victoires peuvent se mettre en œuvre à la croisée de son devenir individuel et universel. Et plus avant encore, la troisième victoire ouvre la perspective d’une nouvelle aventure plutôt qu’être elle-même un but ultime. Mère insiste sur ce point dans ses Entretiens 1954 p.445-446 :
« Il n'y a pas d'arrêt dans le développement universel, et même la chose qui paraîtrait à une époque absolument parfaite et définitive, ne sera encore qu'une étape pour des manifestations futures. Mais les hommes aiment beaucoup s'asseoir et dire: « Maintenant, j'ai fait ce que j'avais à faire. » Mais l'univers n'est pas comme ça ; il ne s'assoit pas, il ne se repose pas, il continue toujours. […] Il y a quelque chose qui aime bien – peut-être que c'est nécessaire pour faciliter l'action ‑ fixer un but et dire : « Ça, ça c'est la fin », mais pas du tout ! « Ca, c’est la perfection », il n’y a pas de perfection absolue ! Toutes les choses sont toujours relatives et constamment elles se transforment. »
De multiples expériences, qui apparaissent et disparaissent, jalonnent donc une évolution de la manifestation de la conscience sans cesse renouvelée. Cette évolution de la manifestation de la conscience est marquée par des réalisations de conscience qui elles ne passent pas parce qu’elles marquent la disparition de voiles d’ignorance. Cette aventure de la conscience est ainsi avant tout l’aventure de la conscience divine elle-même. Dans ses Entretiens 1929-1931 Mère le montre :
« L'humilité est un état de conscience dans lequel vous savez, si haute que soit votre réalisation, que l'infini est toujours devant vous. […] Aussi paradoxal que cela semble, le Divin qui est absolument parfait, est aussi, en même temps, parfaitement humble, humble comme rien d'autre ne peut l'être. Il ne s'occupe pas de s'admirer lui-même, car bien qu'il soit tout ce qui est, il cherche toujours à se trouver lui-même dans ce qui n'est pas lui-même ‑ et c'est pourquoi il a créé dans son propre être ce qui semble un colossal non-lui, ce monde phénoménal. La forme qu'il a prise est telle qu'il doit découvrir indéfiniment dans le temps l'infini contenu de cela qu'il possède entièrement dans sa conscience éternelle. L'une des plus grandes victoires de cette ineffable humilité de Dieu sera la transformation de la matière qui, apparemment, est des plus non divines. »
Vers la victoire psychique.
Le premier pas de l’aventure de la conscience à laquelle le yoga intégral nous conduit consiste à sortir de l’ego. Il nous faut surmonter du sein même de cette formation ce qui l’empêche d’être fidèle et transparente à notre véritable individualité et à notre divinité. Mère nous propose un chemin possible dans La voie ensoleillée p.120 :
« Alors, d'abord, pour commencer, il faut être capable de sortir de cet ego. Après, il faut qu'il soit, n'est-ce pas, dans un certain état d'inexistence. […] Mais si vous voulez savoir les choses telles qu'elles sont vraiment, il faut être ab-so-lu-ment comme un miroir : silencieux, paisible, immobile, impartial, sans préférences et dans un état de totale réceptivité. Et si vous êtes comme ça, alors vous commencerez à voir qu'il y a beaucoup de choses dont vous ne vous apercevez pas, mais qui sont là, et qui commenceront à être actives en vous. […] Il y a toutes sortes de façons de sortir de soi.»
Il s’agit de naître individuellement à l’esprit. P.109 de La voie ensoleillée, Mère nous dit :
« Dans l'existence individuelle, c'est l'esprit qui fait toute la différence ; tant que l'on parle de l'esprit et que c'est quelque chose que l'on a lu, dont on connaît vaguement l'existence et qui est une réalité pas très concrète pour la conscience, cela veut dire qu'on n'est pas né à l'esprit. Et quand on est né à l'esprit, il devient quelque chose de beaucoup plus concret, beaucoup plus vivant, beaucoup plus réel, beaucoup plus tangible que tout le monde matériel.»
Ces deux extraits rejoignent la naissance à l’esprit diffusée aujourd’hui par les spiritualités de la non-dualité.
Une fois né à l’esprit, on peut se lancer à la recherche de notre véritable dynamique d’individualisation c’est-à-dire l’âme ou l’être psychique. Cette recherche est, quant à elle, très rarement évoquée par les spiritualités de la non-dualité.
Dans les Entretiens 1957-1958 du 9 avril 1958, Mère nous donne des indications précieuses :
« Pour trouver l'âme, il faut aller comme ça (geste de plongée), comme ça, se reculer de la surface, se retirer profondément, et entrer, entrer, entrer, descendre, descendre, descendre dans un trou très profond, silencieux, immobile, et alors là, il y a comme une ... quelque chose qui est chaud, tranquille, riche de contenu, et très immobile, et très plein, comme une douceur, ça, c'est l'âme. […] Et si le contact a été assez conscient et complet, cela vous libère de l'esclavage de la forme extérieure; on ne sent plus que l'on ne vit que parce que l'on a un corps. Ça, c'est généralement la sensation ordinaire de l'être, d'être lié à cette forme extérieure au point que quand on pense "moi", on pense "le corps". C'est la chose ordinaire. La réalité personnelle, c'est la réalité corporelle. Ce n'est que si l'on a fait un effort de développement intérieur et que on a essayé de trouver un point un peu plus stable dans son être, qu'alors on peut commencer à sentir que c'est ce "quelque chose" qui est conscient d'une façon permanente à travers tous les âges et tous les changements, c'est ce quelque chose-là qui doit être "moi".
Mais cela, ça demande déjà une étude assez ... assez approfondie. Autrement, si tu penses "je vais faire ceci", "j'ai besoin de cela", c'est toujours ton corps, un petit peu d'une sorte de volonté qui est un mélange de sensations, de réactions sentimentales plus ou moins confuses et de pensées encore plus confuses qui font un mélange et qui sont animées par une impulsion, une attraction, un désir, une volonté quelconque, et c'est cela qui devient momentanément "moi", mais pas directement parce que l'on ne conçoit pas ce "moi" indépendant de la tête, du torse, des bras, des jambes et de tout ça qui bouge, c'est très étroitement lié. C'est seulement après avoir beaucoup réfléchi, beaucoup regardé, beaucoup étudié, beaucoup observé, que l'on commence à se rendre compte que l'un est plus ou moins indépendant de l'autre et que cette volonté par-derrière peut, ou le faire agir, ou ne pas le faire agir, et ne pas s'identifier complètement au mouvement, à l'action, à la réalisation, qu'il y a un flottement. Mais il faut beaucoup regarder pour voir cela.
Et puis, il faut encore beaucoup plus regarder pour voir que ça, cette seconde chose qui est là, cette sorte de volonté active consciente, c'est mis en mouvement par "quelque chose d'autre" qui regarde, qui juge, qui décide et qui essaie de baser ses décisions sur une connaissance, cela, ça arrive encore beaucoup plus tard. Et alors, quand on commence à voir ce "quelque chose d'autre", on commence à voir que ça a le pouvoir de mettre en mouvement la seconde chose qui est une volonté active, et non seulement cela, mais que ça a une action très directe et très importante sur les réactions, les sentiments, les sensations, et que finalement, ça peut avoir un contrôle sur tous les mouvements de l'être, cette partie qui regarde, qui observe, qui juge et qui décide.
Cela, c'est le commencement du contrôle. Quand on devient conscient de ça, on a saisi le fil, et quand on parle de contrôle, on peut savoir "Ah ! Oui, c'est ça qui a le pouvoir de contrôler". C'est comme cela que l'on apprend à se regarder. »
On peut ainsi apprendre à reconnaître les premières expériences de l’être psychique dans ses influences mentales, vitales et physiques sans les confondre avec la réalisation psychique qui, réalisée, ne peut plus disparaître.
La victoire spirituelle et l’exploration des couches de la conscience mentale.
Nous voyons après les extraits précédents comment le chemin vers la seconde victoire d’ordre spirituel est lié au chemin de la victoire psychique. Nous ne nous étendrons pas sur toutes les réalisations caractérisant la victoire spirituelle. Elles sont l’accomplissement d’un des chemins qui se fraient, entre autres, à la croisée des voies de la connaissance, de la dévotion et des œuvres. Nous nous concentrerons ici plus spécifiquement sur l’exploration spirituelle des couches de la conscience mentale.
Dans la série des Entretiens, Mère donne des indications très précises pour reconnaître les intuitions et apercevoir le plan même où sont formées les intuitions.
Premièrement, il s’agit de mettre en ordre la pensée. Aucun progrès constant et solide ne peut être fait si le mental est incohérent. Ceci nous encourage donc à développer la raison, même si celle-ci est limitée dans son usage proprement spirituel et même si son développement incomplet n’empêche pas une expérience spirituelle de prendre place. Dans ses Entretiens 1955 du 25 mai, p.185-186. Mère répond à une question sur un passage de Sri Aurobindo qui précise le rôle de la raison :
« Douce Mère, ici Sri Aurobindo a écrit: "D'une part, la raison est un illuminateur ‑ pas toujours le principal illuminateur ‑ et le correcteur de nos impulsions vitales et de nos premières recherches mentales; d'autre part, elle est un simple ministre de l'Esprit voilé et le préparateur des chemins pour l'avènement de son règne. "
Oui, c'est ce que nous avons dit, que dans le domaine rationnel c'est celui qui donne le vrai jugement, la vraie direction. C'est ça qu'on appelle un " illuminateur" : qui donne la lumière. Quand on doute de quelque chose, quand on est dans l'obscurité, dans une confusion, si l'on fait appel à la raison, elle peut très bien vous guider, vous faire voir clair là où vous étiez dans l'obscurité ; par conséquent, c'est un illuminateur. Alors, "ministre de l'Esprit", cela veut dire justement ce qu'il demandait, c'est‑à-­dire que ça peut être transformé en un instrument pour révéler la réalité spirituelle dans les parties inférieures de l'être. "Ministre de l'Esprit", c'est ce que ça veut dire : un ministre, c'est un instrument de quelque chose, n'est-ce pas, ça veut dire l'instrument de l'Esprit. Et il peut préparer les chemins pour l'avènement du règne de l'Esprit, justement rendre l'être équilibré et paisible, correct dans ses jugements, correct dans sa manière d'agir, de façon à ce qu'étant dans un état d'équilibre lumineux, il soit capable de recevoir l'Esprit. Un être qui est dans un tourbillon d'obscurité n'est évidemment pas prêt pour recevoir l’Esprit. Mais quand par l'usage de la raison on est arrivé à organiser son être d'une façon logique et raisonnable et équilibrée, sage ‑ la raison est essentiellement un instrument de sagesse ‑, eh bien, c'est une excellente préparation pour aller au-delà, à condition qu'on sache que ce n'est pas un aboutissement, que c'est seulement une préparation. C'est comme une base, n'est-ce pas ; les gens qui ont des expériences spirituelles, qui ont un contact avec les mondes supérieurs et qui ne sont pas prêts dans les domaines inférieurs, ils ont beaucoup de tracas, parce qu'ils ont constamment à se battre avec un tas d'éléments qui ne sont ni organisés, ni purifiés, ni classifiés; et chacun tire de son côté, il y a des impulsions et des préférences et des désirs, et alors cette lumière qui est venue d'en haut doit organiser tout ça. Tandis que si la raison avait travaillé auparavant et avait fait de la place au moins un endroit habitable, quand l'Esprit viendrait... il s'installerait plus facilement. »
Des exercices de la raison ou la mise en cohérence des pensées sont proposés par Mère dans la série des Entretiens. Ils permettent non seulement de développer la raison mais aussi de distinguer les pensées ordinaires dans les mots et le mental supérieur des idées qui ordonne les pensées. Cette distinction permet alors de distinguer le domaine suprarationnel du domaine rationnel. On évite par là-même la confusion qui règne parmi les chercheurs spirituels concernant l’usage de l’intellect. Il y a un développement de l’intellect qui peut non seulement faciliter le chemin spirituel mais qui peut nous permettre de nous élever dans les couches supérieures de la conscience mentale.
Dans ses Entretiens 1953, p.115 et suivantes, le 17 juin 1953, à ce sujet, Mère commente un propos de ses entretiens de 1929 :
« "Il y a un vrai mouvement de l'intellect, et il y a un faux mouvement; l'un aide, l'autre gêne la sâdhanâ[1]. " (Entretien du 5 mai 1929)
[…]

Il y a une partie du mental qui reçoit les idées, les idées qui sont formées dans un mental supérieur. […] L'intellect, c'est ce qui met les idées en forme de pensées, puis qui assemble et organise les pensées. Il y a de grandes idées qui sont au-delà de la mentalité humaine ordinaire, qui peuvent se revêtir de toutes les formes possibles. Ces grandes idées ont tendance à descendre et à vouloir se manifester dans des formes précises. Ces formes précises, ce sont les pensées ‑ et c'est généralement, je crois, ce que l'on entend par intellect : c'est ce qui donne la forme de pensée aux idées.
[…] Pour la partie qui doit recevoir les idées maîtresses et les changer en pensée, son vrai mouvement est d'être ouverte aux idées maîtresses, de les recevoir et de les changer en une pensée aussi exacte, aussi précise, aussi expressive que possible. Pour la partie du mental qui est chargée d'organiser toutes ces pensées entre elles afin que cela fasse un ensemble cohérent et classifié, pas un chaos, le vrai mouvement est justement de faire la classification selon une logique supérieure et dans un ordre tout à fait clair, précis et expressif, qui puisse servir chaque fois que l'on doit se référer à une pensée afin que l'on sache où la trouver et qu'on ne mette pas ensemble des choses très contradictoires. […] L'idée se traduit par toutes sortes de pensées. Ce peuvent être les pensées les plus contradictoires, et le tout est de les organiser d'une façon cohérente. Je pense vous avoir déjà dit plusieurs fois que les pensées contradictoires peuvent se trouver en union si l'on monte assez haut, si l'on remonte vers l'idée... On pourrait peut-être jouer à ce petit jeu là, ce serait très intéressant. Nous avons une thèse, on va trouver une antithèse, puis on trouvera la synthèse.
Qui pose la thèse ?... Ah! Moi, je vais vous poser cela tout de suite: "L'homme est mortel." L'antithèse est : "L'homme est immortel." Maintenant trouvez l'endroit où cela s'accorde: la synthèse.»
Faire cette distinction et ces articulations nous a découvert la couche mentale supérieure des idées. Partant d’elle, Mère peut nous mener à prendre conscience plus aisément de la présence encore plus haute de l’intuition. Dans ses Entretiens elle nous donne des indications pour faciliter la venue des lumières intuitives. Au 20 janvier 1951, dans ses Entretiens 1950-1951, p.54-55, on lit :
« On peut penser d'une façon, juger d'une manière, voir d'une façon, mais on n'est jamais sûr de rien ‑ et jamais on ne sera sûr de rien. On peut toujours dire "peut-être est-ce comme cela" ou "peut-être est-ce comme ceci" et ainsi de suite, indéfiniment, parce que le mental n'est pas un instrument de connaissance.
Au-dessus des pensées, il y a les idées pures ; les pensées servent à exprimer les idées pures. Et la Connaissance est bien au-dessus du domaine des idées pures, comme ces dernières sont bien au-dessus de la pensée. Il faut donc savoir remonter de la pensée à l'idée pure ‑ et l'idée pure elle-même n'est qu'une traduction de la Connaissance. Et la Connaissance ne peut s'obtenir que par l'identification totale. Alors, quand vous vous mettez dans votre petite mentalité humaine, cette mentalité de la conscience physique qui fonctionne tout le temps, qui regarde tout, qui juge tout du haut de sa supériorité dérisoire, qui dit "cela est mauvais, cela ne doit pas être comme ça", vous êtes sûr de vous tromper, sans exception. Et le mieux est de se taire et de regarder bien les choses, et, petit à petit, vous formez au-dedans de vous des enregistrements et vous gardez tout cela sans prononcer aucun jugement. Quand vous êtes capable de garder tout cela au-dedans de vous, tranquillement, sans aucune agitation, et de le présenter tout tranquillement à la partie la plus haute de votre conscience en essayant de garder un silence attentif, et d'attendre, alors peut-être, lentement, comme venant de très loin et de très haut, quelque chose comme une lumière se manifestera, et vous saurez un peu plus de vérité.»
Dans ses Entretiens 1954, p.451-452, Mère relie clairement l’intuition au point de vue spirituel où la conscience individuelle est donnée au divin :
« Comment est-ce que cela se manifeste, Douce Mère, l'intuition ?
Hum! Comment cela se manifeste? […] Au fond, c'est la première manifestation de la connaissance par identité. […] En fait, c'est la seule manière de savoir, et si on pousse cela assez loin et qu'on arrive à s'identifier avec le Divin, on a la connaissance divine, et ce n'est pas impossible. C'est quelque chose de possible, parce que l'univers est construit comme ça, pour ça.»
Au-delà de la victoire psychique et de la réalisation de l’intuition spirituelle, le chemin de la transformation.
Le chemin de la troisième victoire, celui de la transformation, met en jeu pour Sri Aurobindo et Mère une conscience supramentale au-delà de la sphère mentale. On peut tenter d’en concevoir la vérité par une lumière de connaissance mentale. Dans « Le Yoga de la perfection », La synthèse des yogas, tome III, p.343, Sri Aurobindo en pointe les limites :
« La connaissance mentale n’est jamais intégrale : elle est toujours partielle […]. Et même si elle parvenait à une sorte de connaissance intégrale, ce serait encore par une espèce de montage, par un assemblage mental et intellectuel, une union artificielle et non une unité essentielle, vraie.»
Le 24 juin 1972 dans une note à propos de cette transformation Mère affirme :
« Il est indispensable que chacun trouve son psychique et s’unisse à lui définitivement. C’est à travers le psychique que le supramental se manifestera »
Si le mental n’est pas apte à la transformation contrairement au psychique, on peut se demander à quoi sert le développement spirituel de l’intuition mentale. Sri Aurobindo dans « Le Yoga de la perfection », p.341, précise son rôle dans le transfert de la sphère mentale à la sphère supramentale :
« Simultanément, au-dessus du mental, commence à se dévoiler la source des activités intuitives et un fonctionnement de plus en plus organisé de la conscience supramentale vraie, celle qui n’œuvre pas au niveau mental mais sur son propre plan supérieur. […] En fin de compte, le mental s’intuitivise complètement et devient un simple canal passif de l’action supramentale ; mais cet état non plus n’est pas la condition idéale ; en outre, il recèle encore certains obstacles car le fonctionnement supérieur est encore obligé de passer par une substance de conscience qui ralentit et amoindrit : la substance de conscience physique. L’étape finale du changement survient quand le supramental occupe tout l’être et le supramentalise en transformant même les enveloppes vitale et physique en un moule de lui-même, réceptif, subtil, imprégné de ses pouvoirs. L’homme devient alors totalement le surhomme. »

Ici apparaît l’originalité de l’aventure de la conscience à la suite de Mère et de Sri Aurobindo : une transformation consistant en un saut évolutif vers une nouvelle espèce.

[1]. La pratique du yoga et sa discipline.