samedi 2 avril 2011

PENSEE TOTALISANTE ET ART DE PENSER INTEGRAL.

A la lumière de l'éveil, la rhétorique française de la pensée unique s'avère toujours monologale.

Aujourd'hui dans les médias l'intellectuel et le politique ont  souvent beau jeu de dénoncer la pensée unique. Mais ce qu'ils nomment ainsi leur permet de rejeter en bloc l'autre point de vue. En gros l'autre de point de vue loin d'être un point de vue argumenté serait en quelque sorte une idéologie au service des intérêts d'un groupe dont évidemment ils nous enjoignent de nous émanciper. Cette façon de penser coupe court à toute forme de dialogue. Par exemple, l'un est ainsi accusé par le républicain défenseur d'une intégration culturelle  forte d'un antiracisme irresponsable livrant la France aux délinquants d'origine étrangère, l'autre est accusé  par l'humaniste conscient de son appartenance à une seule humanité de racisme parce qu'il a osé parler de frontière et d'une âme française. Et bien sûr nul dialogue n'est alors possible...

Considérons ces débats à la lumière de ce constat selon nous fondamental :

Celui qui prend conscience qu'au centre de la conscience il n'y a pas de personnalité et donc aucun contenu de pensée commencera par estimer qu'en fait la pensée dans ses tentative de saisir et de contrôler le réel ne pourra que manquer son objectif. Du point de vue de ma profondeur transparente, les mots racistes, antiracistes, frontière, âme française, par exemple, quels sens peuvent-ils recevoir ? Mais surtout  le mot dialogue lui-même ne voit-il  pas sons sens élargi et en quelque sorte verticalisé ? Il reste dès lors un sens non idéologique s'agissant de la dénonciation de pensée unique : il y a une pensée unique dès lors qu'on ne considère le réel et le sens que du sein même de la pensée. La pensée unique serait monologale et jamais authentiquement dialogale dans la mesure où manquerait la racine consciente du sens.  La transparence centrale source des phénomènes dont la pensée serait  le point de vue insaisissable du réel  autrement dit  une dimension fondamentale de conscience par essence impensable où surgit une représentation du réel. Le "dia" du mot dialogue qui en grec pointe un "entre", un "à travers" le logos, le verbe, la pensée serait fondamentalement étranger à la logorrhée intellectuelle de la pensée se prétendant unique contre la pensée soi-disant unique d'un groupe : le "dia" de dialogue pointerait la conscience donnant sens par delà les mécanismes de la pensée.  

Les arts de penser moderne, postmoderne et intégral.
 
Le mouvement intégral dont je me sens membre en me reconnaissant mentalement éclairé par Ken Wilber, Steve Mac Intosh mais aussi Douglas Harding d'une part et Sri Aurobindo, Mère, Satprem ou encore Kireet Joshi d'autre part ou me référant dans la tradition philosophique préférentiellement à Henri Bergson se caractérise sans aucun doute par une méthodologie de pensée qui quelque soit la question abordée cherche à s'axer sur la transparence consciente d'où elle surgit.

Le mouvement moderne a son propre art de penser dont la méthode cartésienne est caractéristique. Il s'agit pour l'essentiel de produire une pensée expurgée de toute forme d'argument d'autorité. Pour caractériser vraiment l'art de penser moderne, il faut ajouter à la méthode cartésienne centrée sur l'art de penser de manière indubitable, l'art de confronter sa pensée à l'expérience. La science a fait du protocole expérimental le modèle de validation par excellence mais le protocole expérimental interroge l'extériorité et presque jamais l'intériorité. Pourtant cet art de penser ne peut-il pas s'y adonner ?
Le mouvement postmoderne aussi a aussi développé un art de penser. Mais là où l'art de penser moderne est une technique méthodique, l'art de penser postmoderne suggère qu'il est impossible d'unifier la pensée en système. Il proclame définitivement la fin des grands récits qui dans la pensée moderne prend la forme d'un mythe du progrès ou qui dans nombres de pensées prémodernes ramènent tout à un seul et unique récit religieux facteur d'ordre. Cependant s'il abandonne le récit monologal et accepte le fait du pluralisme, il n'est pas forcément sans spiritualité. L'art de penser postmoderne suggère une spiritualité qui a à cœur l'authenticité de la rencontre avec l'autre.
Le postmoderne pourra être particulièrement sensible à une spiritualité reliant la singularité de notre personne à celle de l'autre pour approfondir une altérité non séparatrice.

Le postmoderne reconnaîtra des progrès dans certains modes de pensée mais verra d'abord la pluralité du réel, la pluralité de rationalités. Au fond la pluralité d'identités culturelles  et spirituelles  sera pour lui non synthétisable. Il rejette les tendances totalisantes et totalitaires de la raison moderne.
Dans la spiritualité non-duelle contemporaine, il y a souvent malheureusement une rapide négation de cette individualisation culturelle non synthétisable. La spiritualité non-duelle contemporaine est souvent centrée sur une rationalité moderne nostalgique du prémoderne. Sa composante postmoderne consiste en un attrait pour des cultures prémodernes mais cette composante affirmant une unité transcendante de l'Être source, insidieusement en vient à nier la pluralité de ses manifestations.  On rapproche les diverses traditions mais de façon sélective c'est-à-dire en faisant l'impasse sur les différences doctrinales impliquant malgré tout des différences de pratique spirituelle. Par exemple la non-dualité aime bien se référer à la tradition rhénane sans voir que la tradition spirituelle chrétienne dans son ensemble insiste sur la présence personnelle du divin dans une relation de communion créatrice et pas seulement sur la réalisation de la déité abolissant toute relation. Un postmoderne accompli rejetterait-il un point de vue ? Une certaine non-dualité plutôt moderne dans son comportement au final consacre donc une dualité entre l'unicité de l'Être et son Devenir pluriel jugé plus ou moins illusoire (et donc relevant d'une ignorance au lieu d'une richesse)... Une philosophie spirituelle intégrale authentique recherchera, elle, cette non-dualité entre l'Être Un et son Devenir pluriel, valorisé par les postmodernes.
Le lecteur de Ken Wilber a-t-il perçu à quel point la pensée postmoderne qu'il connaît comme French Theory est tout à fait étrangère à la démarche de Hegel ? La lecture de Ken Wilber ou de Mac Intosh donne à Hegel une place de choix tout en affirmant intégrer l'art de penser postmoderniste. Est-ce que la pensée intégrale tient alors assez compte du rejet postmoderne massif de toute pensée totalisante ? La dialectique n'est-elle pas totalisante par essence puisqu'elle veut toujours ramener l'individualisation plurielle à l'Un. Lisons Deleuze, par exemple, un des penseurs postmodernes les plus représentatifs : il présente et construit un Nietzsche d'abord anti-hégélien qui fait de l'individualisation, de la singularité plurielle la seule dimension immanente du réel. Intégrer une telle pensée dans une perspective non-duelle qui réhabilite l'unité de l'Être sans la trahir peut-il vraiment s'inscrire dans un système mental ?

La dialectique de Hegel, l'hyperdialectique ouverte et le mental illuminé.
La pensée intégrale quand elle considère la thèse et l'antithèse entend s'élever au-delà à une synthèse qui subsume les points de vue. Hegel se propose de penser l'Être et le Devenir, l'Un et le multiple.
On voit bien cependant que l'objection postmoderne d'une singularité n'est pas comprise par cette dialectique de Hegel. La singularité est réduite au contingent qui n'a aucun impact sur la révélation de l'Esprit dans l'histoire. Le penseur intégral peut recourir pour essayer de penser cette singularité toujours inassimilable de la traduire par la notion d'hyperdialectique :
 Ici il y a bien un mouvement d'intégration qui fait toujours malgré tout resurgir à des niveaux plus élevés de la singularité et de l'individualité dans la mesure où plusieurs points de vue synthétiques à partir d'une thèse et d'une antithèse sont possibles. L'hyperdialectique ressort aussi de l'idée que dans une perspective évolutive il n'y a pas de fin (comme sens et comme terme) de l'histoire contrairement aux visions dialectiques modernes de Hegel ou de Marx. Mais de fait cette pluralité et cette individualisation toujours ressurgissante d'où vient-elle ? L'approche de Bergson qui montre qu'au-delà de l'intelligence, il y a l'intuition créatrice peut nous inspirer une piste de réponse. L'union mystique à l'Être peut transformer l'intellect hyperdialectique en une conscience mentale illuminée où l'intuition perlerait de manière beaucoup moins éparse. Le sommet dialectique de l'art de penser moderne s'il assume complétement le postmodernisme et sa valorisation de la singularité serait le marche pied pour le développement d'une conscience mentale illuminée par l'intuition créatrice.
La pensée intégrale qui veut intégrer vraiment le postmodernisme se doit d'affirmer qu'elle n'est pas totalisante. En intégrant vraiment le scepticisme relativiste postmoderne à ses tendances hyperdialectiques, elle pourrait s'ouvrir à une vision intégrale au-delà de la pensée intégrale. Quand la pensée s'effondre devant sa limite, elle est parfois illuminée d'une intuition. Ici c'est la pensée dans sa globalité même qui rentrerait en crise tentant à la fois de synthétiser hyperdialectiquement et percevant l'impossibilité de produire de par les limites de la connaissance mentale une synthèse achevée.

La non-dualité nous révèle le champ de conscience pure en nous appelant à reconnaître notre non savoir. Mais ce champ de conscience pure quand il reste lié à un art de penser moderne traduisant une nostalgie des visions prémodernes tend à la pensée monologale. Ce n'est pas ici encore le non savoir sceptique relativiste des postmodernes. Le postmoderne exhibe lui différentes interprétations avant d'évoquer un non savoir. Le postmoderne soupçonnera à juste titre le non-mental d'être encore perçu et mal entendu à cause de la manière d'être mentale de celui qui l'expérimente. 
La construction mentale qui a permis de pointer la lumière permet certes de détruire l'opercule mental qui lui faisait obstacle mais cette lumière ne finit-elle pas par absolutiser la bâtisse mentale qui a permis l'expérience de cette Lumière ? Certains non-dualistes ont beau prétendre qu'ils ont vraiment vaincu les limites mentales, on ne peut qu'être dubitatif quand ils se mettent à parler politique en lien à sa lumière. 
Les traductions politiques de ceux qui s'intéressent à la non-dualité sont bien souvent nostalgiques d'un passé révolu. Et à vrai dire les Eliade, les Julius Evola et bien des lecteurs de Guénon se sont fourvoyés dans les impasses fascistes que le Devenir a montré catastrophique. Bien sûr ne renonçant pas à leur thèse, ceux qui se situent encore dans cette ligne expliquent que l'ignorance a corrompu ces tentatives de rétablissement de l'ordre humain soumis à l'Être. Mais lisons leurs propos, leur art de penser n'est-il pas étranger au plan intuitif créateur qui de toute évidence pour s'élargir a besoin d'une base mentale multiperspectiviste et hyperdialectique ? Certes en pratiquant un art traditionnel jusqu'à laisser la technique s'exécuter sans le parasitage de l'ego on a l'expérience d'une intelligence cosmique mais entre un mouvement cosmique qui remet en ordre et un mouvement cosmique créateur qui bouleverse l'ordre en suscitant une nouvelle manière d'être il y a un fossé...
L'art de penser intégral pour échapper à la pensée totalisante qui nie l'individualisation et la singularité doit intégrer un grand sens de l'incomplétude mentale. Dire qu'on a intégré un tel sens de l'incomplétude mentale ne peut pas seulement se résumer à pointer la lumière non mentale du champ de conscience. Dans la lumière de ce champ de conscience Un il faut laisser se développer l'amour de l'individualisation et de la singularité en intégrant un certain relativisme sceptique. Il faut l'humilité de reconnaître que le mental n'est pas seulement paradoxalement un obstacle et un marchepied pour que l'Être se réalise consciemment mais aussi et surtout un frein pour que le Devenir se dessine dans son élan créateur.
Avouons que même si nous sommes dans la lumière de l'Être, il est fort difficile à notre humanité de renoncer à considérer les phénomènes dans la seule lumière palote du mental. Or il n'y a de Devenir conscient que si nous acceptons de renoncer à notre intelligence pour la confier à l'élan créateur de l'Être afin qu'elle soit illuminée c'est-à-dire de plus en plus transparente à l'intuition créatrice.

Sri Aurobindo dit fort bien cela dans Le cycle humain :

La vie diffère de l'ordre mécanique du monde physique, et c'est justement parce que celui-ci est mécanique et qu'il avance immuablement dans les sillons d'habitudes cosmiques invariables, que la raison a été capable d'en user victorieusement. La vie au contraire, est une force mouvante, progressive et évolutive, une force qui exprime toujours plus l'âme infinie cachée dans les créatures, et à mesure qu'elle progresse, elle devient de plus en plus consciente de ses propres variations, diversités et besoins subtils. Le progrès de la vie implique l'expansion d'un nombre immense de choses entremêlées qui sont en conflit les unes avec les autres et semblent souvent s'opposer et se contredire irréductiblement. Trouver parmi ces oppositions quelque point d'appui ou principe d'unité, quelque levier de réconciliation dont on puisse se servir, et qui permettra un meilleur et plus vaste épanouissement sur la base d'une harmonie et non de conflits et de luttes, tel doit être de plus en plus le but commun de l'humanité dans l'évolution de sa vie active, si elle cherche tant soit peu à s'élever au-dessus du mouvement confus, douloureux et obscur de la vie, au-dessus des compromis que la Nature fait avec l'ignorance du mental dans la vie et avec la nescience de la matière. Ceci ne peut se faire vraiment et de façon satisfaisante que lorsque l'âme se découvre elle-même dans sa réalité spirituelle la plus haute et la plus complète et qu'elle opère une transformation progressive et ascendante de ses valeurs vitales en celles de l'esprit; car là toutes ces valeurs trouveront leur vérité spirituelle, et dans cette vérité, le point d'appui de leur reconnaissance mutuelle et de leur réconciliation. La vérité spirituelle est la vérité unique dont toutes les autres sont des aspects voilés, de brillants déguisements ou d'obscures défigurations, et c'est en elle que toutes ces vérités partielles peuvent trouver les formes justes qui leur sont propres et découvrir leurs véritables relations réciproques. Ce travail, la raison ne peut pas le faire. La tâche de la raison est intermédiaire; c'est d'observer et de comprendre cette vie avec l'intelligence, de lui montrer dans quelle direction elle se dirige et les lois de son propre développement sur le chemin. Afin de pouvoir remplir cet office, la raison est obligée d'adopter temporairement des points de vue fixes dont aucun n'est totalement vrai, et de créer des systèmes dont aucun ne peut réellement apporter le dernier mot de la vérité intégrale des choses. La vérité intégrale des choses n'est pas vérité de la raison mais vérité de l'esprit.

ANNEXE :

Sur ce thème d'un art de penser intégral qui s'ouvre aux domaines de l'intuition voire au-delà, Les Entretiens de Mère sont éclairants. A vrai dire mon post précédent complique un peu les choses pour s'adresser au mouvement intégral large. Donc pour plus de clarté pratique, lisons, par exemple, l'entretien du 23 juillet 1958:

"Mère, comment peut-on développer la faculté d’intuition ?

Il y a différents genres d’intuition, et on porte ces capacités en soi. Elles sont toujours un peu actives, mais nous ne les discernons pas parce que nous ne faisons pas suffisamment attention à ce qui se passe en nous.
il y a, derrière les émotions, profondément dans l’être, dans une conscience qui se trouve à peu près au niveau du plexus solaire, une sorte de prescience, comme une capacité de prévision, mais pas sous forme d’idées   : sous une forme de sentiments plutôt, une perception presque de sensations. Par exemple, quand on va décider de faire quelque chose, quelquefois il y a une sorte de malaise ou de refus intérieur, et généralement si l’on écoute cette indication plus profonde, on s’aperçoit qu’elle était légitime.
Il y a, dans d’autres cas, comme une chose qui pousse, qui indique, qui insiste (je ne parle pas d’impulsions, n’est-ce pas, de tous les mouvements qui viennent du vital et de beaucoup plus bas), des indications qui sont derrière les sentiments, qui viennent du côté affectif de l’être ; là aussi on peut recevoir une indication assez sûre de la chose qu’il faut faire. Ce sont des formes d’intuition ou d’un instinct supérieur qui se cultivent par l’observation et aussi par l’étude des résultats. naturellement, il faut le faire d’une façon tout à fait sincère, objective, sans parti pris. si l’on veut voir les choses d’une certaine manière et en même temps faire cette observation, tout est inutile. il faut le faire comme si l’on regardait ce qui se passait en dehors de soi, chez quelqu’un d’autre.
C’est une forme d’intuition, et peut-être la première forme qui se manifeste généralement. 
Il existe une autre forme, mais celle-là est beaucoup plus difficile à observer parce que, pour ceux qui sont habitués à penser, à agir par la raison — pas par les impulsions mais par la raison —, à réfléchir avant de faire quelque chose, il y a un processus extrêmement rapide de cause à effet dans la pensée semi-consciente qui fait que l’on ne voit pas la ligne, toute la ligne du raisonnement et que par conséquent on ne pense pas que c’est un raisonnement, et cela, c’est assez trompeur. Vous avez l’impression d’une intuition, mais ce n’est pas une intuition, c’est un raisonnement extrêmement rapide, subconscient, qui prend un problème et qui va droit aux conséquences. Il ne faut pas confondre cela avec l’intuition.
L’intuition, dans le fonctionnement cérébral ordinaire, est quelque chose qui tombe tout d’un coup, comme une goutte de lumière. si on a la capacité, un commencement de capacité de vision mentale, cela donne l’impression de quelque chose qui vient du dehors, ou d’au-dessus, et qui est comme le petit choc dans le cerveau, d’une goutte de lumière, absolument indépendant de tout raisonnement.
Ça se perçoit plus facilement quand on arrive à faire taire son mental, à le tenir immobile et attentif avec un arrêt dans son fonctionnement ordinaire, comme si le mental se transformait en une sorte de miroir, qui se tourne vers une faculté supérieure dans une attention soutenue et silencieuse. Ça aussi, on peut apprendre à le faire. Il faut apprendre à le faire, c’est une discipline nécessaire.
Quand on a une question à résoudre, quelle qu’elle soit, généralement on concentre son attention ici  (geste entre les sourcils), dans le centre juste au-dessus des yeux, qui est le centre de la volonté consciente. Mais là, si vous faites cela, vous ne pouvez pas être en relation avec l’intuition. Vous pouvez être en relation avec la source de la volonté, de l’effort, même d’un certain genre de connaissance, mais dans le domaine extérieur, presque matériel; tandis que si vous voulez avoir un rapport avec l’intuition, il faut que ça (Mère désigne le front), ce soit tenu tout à fait immobile. La pensée active doit s’arrêter autant que possible et toute la faculté mentale former comme... au sommet du crâne et un petit peu au-dessus si l’on peut, une sorte de miroir, très tranquille, très immobile, tourné vers le haut, dans une attention silencieuse très concentrée. si l’on réussit, alors on peut — peut-être pas immédiatement — mais on peut avoir la perception de ces gouttes de lumière qui tombent d’une région encore inconnue, sur le miroir, et qui se traduisent par une pensée consciente qui n’a aucun rapport avec tout le reste de sa pensée puisque l’on est arrivé à la garder silencieuse. Ça, c’est le vrai commencement de l’intuition intellectuelle. C’est une discipline à suivre. Pendant longtemps, on peut essayer et ne pas réussir, mais dès que l’on réussit à «   faire le miroir   » immobile et attentif, on a toujours un résultat, pas nécessairement avec une forme de pensée précise, mais toujours avec la sensation d’une lumière qui vient d’en haut. Et alors, cette lumière qui vient d’en haut, quand on peut la recevoir sans immédiatement entrer dans une activité tourbillonnante, la recevoir dans le calme et le silence et la laisser entrer profondément dans l’être, alors, quelque temps après, elle se traduit ou par une pensée lumineuse ou par une indication très précise ici (Mère désigne le cœur), dans cet autre centre.
Naturellement, d’abord il faut arriver à développer ces deux capacités ; ensuite, dès que l’on a un résultat, il faut observer le résultat comme je l’ai dit et voir le rapport avec ce qui se passe, les conséquences   : voir, observer très attentivement ce qui s’est introduit, ce qui a pu déformer, ce que l’on a ajouté de raisonnement plus ou moins conscient, d’intervention d’une volonté inférieure plus ou moins consciente aussi; et c’est par une étude approfondie (au fond presque de chaque instant, en tout cas quotidienne et très fréquente) que l’on arrive à développer son intuition. C’est long. C’est long et il y a des embûches   : on peut se tromper soi-même, on peut prendre pour des intuitions des volontés subconscientes qui essayent de se manifester, des indications données par des impulsions que l’on a refusé de recevoir ouvertement, enfin toutes sortes de difficultés. il faut s’attendre à cela. Mais si l’on persiste, on est sûr de réussir.
Et il y a un moment où l’on sent comme une direction intérieure, quelque chose qui vous conduit très perceptiblement dans tout ce que vous faites. Mais alors, pour que la direction ait son maximum de pouvoir, il faut y ajouter, naturellement, la soumission consciente   : il faut être sincèrement décidé à suivre l’indication donnée par la force supérieure. Si l’on fait cela, alors... on saute des années d’études, on peut se saisir du résultat extrêmement rapidement. Si l’on ajoute cela, le résultat vient très rapidement. Mais là, il faut le faire avec sincérité et... une sorte de spontanéité intérieure.  si l’on veut le faire sans cette soumission, on réussit — comme on réussit aussi à développer sa volonté personnelle et à en faire un pouvoir très considérable —, mais cela prend beaucoup de temps et on rencontre beaucoup d’obstacles, et le résultat est très précaire ; il faut être extrêmement persistant, obstiné, persévérant, et on est sûr de réussir, mais après un grand labeur.
Faites votre soumission dans un don de soi sincère, complet, et vous brûlerez les étapes, vous irez beaucoup plus vite ; mais il ne faut pas le faire avec calcul parce que ça gâte tout !
(silence)"

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